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« Tiny house », la toute petite maison dans la prairie
jeudi, 25 septembre 2014 / Raphael Baldos

C’est une minibicoque à installer où le cœur vous en dit, sans contraintes administratives. Le concept, né aux Etats-Unis, débarque en France… comme sur des roulettes.

Connaissez-vous la tumble-weed, cette plante qui se laisse pousser par le vent sur des kilomètres avant de reprendre racine ? L’Américain Jay Shafer s’en est inspiré pour construire sa première tiny house (« petite maison », en VF) en 1999 : une maison minuscule que l’on peut installer où l’on se sent bien. Son idée a fait boule de neige aux Etats-Unis. Et traversé l’Atlantique. Yvan Saint-Jours, fondateur des magazines La Maison écologique et Kaizen, s’est lancé au printemps 2013 dans la construction de sa propre tiny house, dans le bocage normand. « J’ai découvert Jay Shafer en 2008, raconte-t-il. J’ai été tout de suite séduit par cette possibilité de sobriété heureuse qui m’offre un espace suffisant pour vivre. »

La superficie de sa micromaison : 10 m2, avec salon-cuisine, minisalle de bain (douche, lavabo et toilettes sèches) et mezzanine pour un lit deux places. Un poêle à gaz américain, « de la taille d’une boîte à chaussures », fournit le chauffage ; un chauffe-eau à gaz lilliputien, l’eau chaude sanitaire. L’électricité, elle, arrive via les deux panneaux photovoltaïques installés sur le toit ou via… une rallonge, selon les besoins. Un système de filtres de lichen transforme les eaux grises en « eau de qualité de baignade ». Le tout sur une remorque de bateau. Ni caravane ni mobile home, cette gloriette écologique n’entre dans aucune case juridique. « Le législateur ne s’y est pas encore intéressé », explique Yvan Saint-Jours.

Davy Crockett architecte

Construit en un mois et demi, son prototype lui a coûté seulement 15 000 euros. Depuis, deux autres modèles ont vu le jour avec l’aide de copains qui, enthousiasmés par le concept, ont décidé de continuer l’aventure en créant leur propre structure, La Tiny House. « Il s’agit pour l’instant d’une activité supplémentaire à notre métier, explique Michaël Desloges, paysan-boulanger. Nous y passons nos week-ends, mais le but, c’est de réussir à en vivre, et de créer des emplois. »

Le prix d’une tiny tout équipée tourne autour de 20 000 euros. Mais il est aussi possible de l’autoconstruire, grâce aux plans téléchargeables gratuitement sur le site de l’entreprise. « Plusieurs personnes s’y sont mises », précise le deuxième associé, Bruno Thiery, charpentier de métier. Ces bâtisseurs de l’extrêmement petit imaginent même l’ouverture de chantiers de réinsertion autour de cette activité.

Un projet qui intéresse aussi Jean-Paul Gautier, concepteur d’une bicoque à deux étages sur pilotis, d’une surface au sol de 20 m2. « J’ai passé une partie de mon enfance à jouer à Davy Crockett dans les bois », se souvient ce Breton de 62 ans, quand il cherche ce qui l’a poussé à bâtir « L’indépendante » en 2013, sur une friche du Morbihan. « Elle ne nécessitait qu’une déclaration préalable de travaux, accordée par le maire. » Elle suscite très vite l’intérêt du public, séduit par le look, le prix (35 000 euros) et l’absence de réglementation. L’administration louche alors sur le projet et ne tarde pas à réagir pour combler le vide juridique des logis-pilotis. Un nouveau décret les assimile désormais à des habitations sur chape de béton. Un permis est requis. Jean-Paul Gautier doit se résoudre à démonter son « Indépendante ». Mais ne lâche pas l’affaire : il crée la société Pilo’Ty’s (« ty » pour maison, en breton) et développe deux nouvelles versions en bardage bois et pieux en béton, sur un niveau. L’une de 20 m2, à 30 000 euros, avec déclaration de travaux, l’autre de 40 m2, à 50 000 euros, avec permis.

Les Zèbres adorent

Son projet séduit le mouvement des Zèbres, lancé par l’écrivain Alexandre Jardin pour « réenchanter » la France. Pilo’Ty’s fait partie des quinze premières « solutions pragmatiques » de l’initiative. « J’ai eu de très nombreux appels, mais pas encore de commandes fermes », reconnaît Jean-Paul Gautier, prêt, lui aussi, à refiler les cotes de ses bicoques à tout autoconstructeur motivé. « Ce n’est pas une histoire d’argent, dit-il. L’objectif, c’est d’aider tous ceux qui cherchent à se loger. » Une vingtaine de ses Pilo’Ty’s pourraient même servir de base à un projet de réinsertion autour de l’observation de la nature en Sologne. —

Impact du projet

30 000 euros pour une minimaison