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Un « Autolib » dans les gares : est-ce vraiment utile ?
lundi, 15 septembre 2014
/ Karine Le Loët / Rédactrice en chef à « Terra eco ». |
Un nouveau service de location d’autos en libre service essaime dans les gares de France. Il promet de désengorger et de dépolluer les villes.
Vous êtes une femme d’affaires lyonnaise à l’emploi du temps o-ver-boo-ké. Dans votre agenda du jour, les rendez-vous à Paris s’enchaînent. Vous sautez dans un TGV et, parvenue à la capitale, filez sur le parvis de la gare en direction d’un parking. Là, un simple passage d’un badge sur le tableau de bord, et vous voilà parachutée au volant d’une mini-auto électrique ou d’un scooter. Quelques heures plus tard, vous reviendrez rendre le dit-véhicule avant de prendre le train du retour. Voilà, grosso modo, le scénario imaginé par Wattmobile, un service d’auto en libre service lancé à la mi-juin et qui essaime désormais dans plusieurs gares de France.
A première vue, ça ressemble peu ou prou à l’Autolib parisien ou au Bluely lyonnais : pas de passage nécessaire au comptoir, pas d’état des lieux, le système est rapide, fluide et flexible sur la durée. Mieux, contrairement à Autolib ou Bluely, un seul abonnement suffit pour saisir un véhicule aux quatre coins de France. Reste une grosse différence : le service s’adresse avant tout aux professionnels : « Ce n’est clairement pas une offre grand public, confirme Teddy Delaunay, doctorant au Laboratoire ville mobilité et transport. D’abord parce que les tarifs sont élevés (voir la grille des tarifs, ndlr) mais aussi parce que c’est un système en boucle (on remet le véhicule là où l’a pris, ndlr) et non “one way” comme l’Autolib. Il ne permet pas de descendre du train et de rentrer chez soi en voiture. »
Et la pollution ? Certes, les véhicules proposés par Wattmobile sont bel et bien électriques donc ne rejettent pas directement de gaz à effet de serre dans l’atmosphère. Mais pour réduire la pollution dans les centres-villes, encore faudrait-il qu’ils se substituent aux véhicules thermiques, notamment aux voitures habituellement louées chez Avis, Hertz ou autres consorts. « Vu les tarifs élevés proposés et la taille des véhicules, si un homme d’affaires veut se déplacer pendant deux ou trois jours, il va plutôt louer un véhicule classique », nuance Teddy Delaunay. « Certes, on ne va pas cibler les gens qui vont loin, reconnaît David Lainé. Ceux qui loueront nos véhicules resteront à 30, 40 km des stations. En revanche, on pourra s’adresser à ceux qui se rendent dans des zones proches et mal desservies ou à des gens qui ont besoin de circuler en centre-ville mais préfèrent prendre un petit véhicule urbain. »
Autre report possible : Wattmobile pourrait damer le pion à un autre acteur de la ville, là aussi thermique (ou hybride) : « Je pense que ça viendra plutôt concurrencer les taxis. Car les hommes d’affaire ont parfois un chemin complexe de déplacements avec plusieurs rendez-vous dans la journée », avance Teddy Delaunay.
Autolib pour les particuliers, Wattmobile pour les professionnels, Buzzcar ou Drivy pour les week-ends… Y aura-t-il de la place pour tout le monde sur le marché du partage de véhicules ? Non « pas pour des dizaines d’acteurs. C’est pour ça que c’est important d’investir beaucoup pour se déployer rapidement », assure David Lainé qui assure néanmoins que le marché est face à un « énorme potentiel ». « L’objectif à terme, c’est d’avoir des centres-villes entièrement propres dans dix ou vingt ans avec des combinaisons de transports en commun, de bus électriques, de taxis, de vélos tout chemin électriques, de voiture et vélo en libre service. Qu’il n’y ait pratiquement plus de bruit et de voiture individuelle », se plaît à rêver le patron de Wattmobile.