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2/3 Pollutions intérieures : 24 heures chrono
lundi, 26 octobre 2009
/ Louise Allavoine
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/ Rocco
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/ Stéphane Horel
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Après une matinée entre ondes d’ordinateur, détergents de salle de bain et shampooings décapants, l’heure est venue de passer à table, avant d’entamer une après-midi pleine de formaldéhyde, bisphénol-A et autres phtalates. Prêt ?
12h00 : Je dis bye-bye à ma poêle en Téflon
Maintenant que je sais, je fais gaffe. Pas à tout. Pas tout le temps. Mon steak, il n’est pas bio. Pas les moyens. Et puis le faire cuire, c’est presque une question éthique. Aujourd’hui, j’ai d’ailleurs décidé de jeter ma poêle en Téflon. La planète entière a dans le sang de l’acide de perfluorooctane (PFOA), qui se dégage du Téflon. Même les albatros perdus au milieu du Pacifique. Même les grenouilles du Michigan. Il y en a jusqu’en Alaska dans les veines des ours blancs. Personne ne sait comment ils sont arrivés là. A doses infimes, certes, mais leur effet sur la santé humaine est inconnu. Bonne nouvelle, le 6 octobre dernier, DuPont a annoncé que le groupe cessait de produire et d’utiliser le PFOA.
A la mairie de Paris, le service « produits dangereux et déchets toxiques » n’a rien prévu pour les poêles : « Il n’y a pas de collecte spéciale pour ce type de déchets. Ou vous l’apportez à la déchetterie ou vous la mettez avec les déchets ménagers. » Bon et après, à quelle poêle adhérer ? Les fabricants vantent les qualités des revêtements en céramique, sans PFOA ou Téflon. Mais la céramique, c’est un minéral qui se désagrège. Et notre conscience écolo nous interdit de choisir des produits à durée de vie limitée. L’Environmental Working Group, puissante organisation environnementale partie en guerre contre le Téflon aux Etats-Unis, conseille d’éviter tout ce qui possède un revêtement anti-adhésif et d’opter, à la place, pour la bonne vieille fonte, l’inox ou l’acier inoxydable. Du lourd, mais qui dure toute la vie.
EWG, le guide pour des ustensiles de cuisine sains (en anglais)
Mais cette classification n’est toujours pas appliquée en Europe et le formaldéhyde végète à Bruxelles dans le tiroir des cancérogènes « possibles ». Il faut dire que les enjeux économiques sont majeurs. Non seulement la réglementation sanitaire en milieu professionnel devrait être revisitée de fond en comble, mais il est interdit de vendre au public un cancérogène « certain » en Europe. En attendant, les habitations en regorgent. Et l’être humain standard des pays riches passe entre 80 % et 90 % de son temps à l’intérieur à respirer ce bon air.
V a pour des plantes vertes. Depuis quelques années, celles pour assainir l’intérieur font un tabac. Expérimentées pour la première fois dans les années 1980 par la Nasa, qui cherchait à purifier l’air à bord de ses stations orbitales, elles se sont révélées particulièrement efficaces contre les composés organiques volatils. Ficus ou bégonia contre le formaldéhyde, arbre ombrelle contre le xylène ou le benzène, chlorophytum – dite plante araignée – contre le monoxyde de carbone ou le toluène, et même cactus du Pérou contre les ondes électromagnétiques. Mais combien de plantes sont nécessaires pour assainir la maison ? « Comptez [en] une quinzaine pour un effet optimal », recommande Caroline Leroy-Vlako auteur de Plantes purifiantes : respirez mieux chez vous !. Laquelle reconnaît un peu plus loin que « l’état des recherches actuelles ne nous permet pas d’être totalement sûrs des effets [des plantes] en conditions réelles ». Les expérimentations leur accordant ces vertus ont été menées uniquement dans des enceintes de petite taille avec des concentrations de polluants plus élevées qu’en environnement réel. Alors à moins de vivre dans une station orbitale ou dans un studio de 25 m2, pas sûr que ça fonctionne.
(1) Les conseils de l’Agence de protection de l’environnement des Etats-Unis
15h00 : J’écoute la musique du bisphénol-A
Rien de tel, parfois, qu’un bon Supertramp pour écrire. Avec circonspection, j’explore ma collection de CD : une bonne dizaine de kilos de polycarbonate sur les étagères. Dans ce plastique, il y a du bisphénol-A, le fameux, celui dont tous les usagers du biberon débattent. C’est l’organisation Environment California qui avait frappé l’opinion publique américaine en publiant, en février 2007, Biberons toxiques. Cet angoissant rapport racontait que, chauffés, les biberons de cinq marques populaires laissaient échapper du bisphénol-A dans le lait des enfants dans des quantités comparables à celles qui endommagent les animaux de laboratoire. Car le bisphénol-A est un perturbateur endocrinien qui imite les œstrogènes.
Pour cette raison, scientifiques et organisations de consommateurs se sont dit que ce n’était pas une bonne idée d’en donner à des nourrissons. Le gouvernement canadien aussi : il a interdit les biberons en polycarbonate en octobre 2008. Sueurs froides chez les parents français. Le débat fait rage. De très faibles doses de bisphénol-A peuvent-elles avoir un impact sur la santé ? Non, rassurent les industriels et les autorités. Oui, alertent les scientifiques, qui affirment que l’adage des toxicologues – la dose fait le poison – n’est pas tout. Il y a le moment de l’exposition, aussi. Un fœtus ou un bébé en plein boom de développement est beaucoup plus vulnérable qu’un adulte. Mais les pouvoirs publics ne bronchent pas. Pendant la controverse, têtez citoyens. Mes amis qui ont eu l’opportunité de reproduire n’ont pas envie de patienter dix ou trente ans pour savoir s’ils ont refilé à la tétine les bases d’un bon petit cancer à leurs marmots. Ils sont tout bonnement passés au biberon en verre. En attendant que les principaux fabricants réagissent. Numéro un du biberon, Avent, une filiale de Phillips, avait « toute confiance » en sa gamme 100 % polycarbonate. Dès que le vent a tourné, « pour répondre à la demande des consommateurs », elle a proposé une gamme sans bisphénol-A en février 2009.
Le bisphénol-A pose question ? Pas de quoi fouetter une tétine, à en croire Roselyne Bachelot. Face aux députés, en mars 2009, la ministre de la Santé avait réaffirmé sa pleine confiance dans les avis émis par l’Agence française de sécurité sanitaire des aliments (Afssa) et son homologue européenne (EFSA). Mais le 19 novembre 2008, le Canard enchaîné révèle que plusieurs membres du comité d’experts de l’Afssa sont liés à l’industrie du plastique. Embêtant.
Plusieurs politiques réagissent. Ainsi, en avril 2009, au nom du principe de précaution, la mairie de Paris ordonne la disparition des récipients alimentaires contenant du bisphénol-A dans toutes ses crèches. D’autres municipalités lui emboîtent le pas, comme Nantes, Toulouse et Besançon. La secrétaire d’Etat à l’Ecologie, Chantal Jouanno, finit par demander à l’Afssa, le 15 juin, de reprendre l’expertise. Le 27 juillet, au Palais du Luxembourg, neuf sénateurs déposent une proposition de loi pour que soient interdits les récipients alimentaires contenant du bisphénol-A (BPA), au nom du principe de précaution. Les fabricants, eux, anticipent le « principe de boycott » des consommateurs.
En France, l’enseigne Béaba et la branche française de Philips Avent se sont engagés à cesser de vendre des produits contenant du BPA. La marque Dodie propose, depuis trois ans, une gamme de biberons en polypropylène et donc sans bisphénol-A. Pour éviter le composé toxique, privilégiez les récipients en verre. Et pour les parents qui ne veulent pas renoncer au plastique, il faudra examiner le cul du biberon à la loupe. En effet, le polycarbonate (PC), qui contient le BPA incriminé, est identifié dans un petit triangle par le code de recyclage n°7.
Dossier du Réseau environnement santé sur le bisphenol-A
Depuis des années déjà, des scientifiques alertent les pouvoirs publics sur les effets de ces toxiques. Parce que sur les rats de laboratoire, ce n’est pas beau à voir. Les enfants ne sont pas des rats, répliquent les industriels. Mais en 2008, une équipe française dirigée par René Habert a montré que, dans un tube à essais, ces composants étaient également toxiques pour les cellules humaines de testicules. L’Union européenne a imposé des limites pour six sortes de phtalates dans les jouets destinés aux moins de 3 ans. Mais ma filleule, elle, boulotte plein de trucs interdits aux moins de 3 ans : elle ne sait pas lire. Désolée, choupette. Et enlève ce truc de ta bouche, c’est plein de monobutylphthalates.
Choupette peut se faire des cheveux blancs. Dans son petit monde de plastique et de revêtements seventies, elle respire aussi du benzène et du formaldéhyde. En mars 2009, l’Association santé environnement France (Asef) a relevé, dans 9 crèches de l’Hexagone, ces deux substances cancérogènes à des « taux préoccupants », parfois supérieurs aux valeurs de référence de l’Organisation mondiale de la santé. Le benzène se retrouve dans l’air et les peintures, le formaldéhyde dans les peintures, mais aussi les agglomérés de bois et les mousses synthétiques.
D’où l’importance du mode de construction et de l’ameublement des crèches. La secrétaire d’Etat à l’Ecologie, Chantal Jouanno, a lancé, en septembre, une campagne de mesure de la qualité de l’air intérieur dans 300 écoles et crèches françaises. Elles seront passées au crible entre 2009 et 2011. Et cette surveillance devrait être rendue obligatoire dans les écoles et crèches d’ici à 2012 par le projet de loi Grenelle 2. En attendant l’étiquetage sanitaire des produits de construction et de décoration, prévu dans le plan santé environnement 2009-2013.
Association santé environnement France
Observatoire de l’air intérieur
Recommandations ministérielles
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