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Pourquoi Volvic, Coca et Uhu s’enflamment pour le bioplastique
mercredi, 10 septembre 2014 / Amélie Mougey

Toutes ces marques ont choisi le plastoc issu de la canne à sucre ou du maïs pour leurs nouveaux emballages. Idée choc ou en toc ?

Dans nos rayons apparaissent des produits caméléons. En janvier, la boîte rose du sucre Daddy a viré au vert. A la rentrée, la colle Uhu est devenue bicolore. Le responsable de cette métamorphose : le plastique végétal, ou bioplastique, qui les emballe. En 2011, Tetra Pak était l’un des premiers, avec Nestlé, à snober le pétrole pour la canne à sucre. Puis Volvic et même Coca-Cola se sont, en partie, convertis, quand Danone optait pour l’amidon de maïs. Trois ans plus tard, le plastique végétal plafonne à 1 % de la production mondiale, mais l’association European Bioplastic table sur une croissance de 400 % d’ici à 2017. Faut-il s’en réjouir ?

Amidon, pétrole : même combat

Sur son site, Danone se félicite de n’utiliser que trois ingrédients pour ses pots de yaourts : « de l’énergie solaire, du CO2 et de l’eau », pour faire pousser le maïs qui deviendra acide polylactique (PLA). Peu convaincant pour les Amis de la Terre. « Danone oublie deux ingrédients : le carburant des machines agricoles et les engrais, sans lesquels le maïs ne pousserait jamais dans les Landes », estime Christian Berdot, qui préside l’asso dans le département. Une étude de 2010 menée par des chercheurs de l’université de Pittsburgh, aux Etats-Unis, conclut que, tous facteurs confondus (consommation de matière fossiles, acidification, cancérogénéité, écotoxicité…), le plastique à base d’amidon n’est ni meilleur ni pire que celui issu du pétrole. Autre bémol, il ne se recycle pas.

Reste la canne à sucre, utilisée par Tetra Pak, Volvic ou Uhu. François-Régis Goebel, agronome chargé de la canne à sucre au Cirad (Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement) est convaincu de son potentiel : « Elle résiste aux conditions extrêmes, au manque d’eau, aux ouragans. » Pour lui, cette plante peut produire du plastique sans dommages pour l’environnement, « à condition de rester hors d’un système intensif ».

Pour l’heure, la plupart des marques se fournissent chez Braskem, le leader brésilien de la pétrochimie. Depuis qu’il s’est lancé dans le plastique « vert », son siège est le théâtre de manifestations de paysans sans terres qui l’accusent d’accaparement et dénoncent l’usage de pesticides et d’OGM. Ses 200 000 tonnes annuelles d’agroplastique concurrenceraient la production alimentaire. « La culture de canne à sucre occupe 8 millions d’hectares au Brésil, rétorque Alexandre Elias, porte-parole de Braskem. Il en reste 65 millions identifiés comme propices. » Ainsi, la canne à sucre peut devenir polyéthylène « sans que cela n’ait d’impact sur les écosystèmes ou prenne la place d’autres cultures », assure Tetra Pak. La méthode ? Planter sur des terres « marginales », « dégradées » ou en jachère. Un concept qui fait tiquer Sylvain Angerand, des Amis de la Terre. « C’est l’argument classique des agrocarburants, qui oublie que des gens vivent sur ces “ terres marginales ” et partent défricher la forêt quand ils sont délogés. »

Emballer les esprits

Polémiques, les bioplastiques le sont jusque dans leur définition. « Un bioplastique doit être à la fois d’origine végétale et biodégradable », précise Christophe Doukhi-de Boissoudy, président du club Bio-plastiques, association qui promeut leur usage. Recyclables mais non biodégradables, les produits de Braskem n’entrent pas dans la case. A l’inverse, les sacs dégradables des magasins Paul ou Relay qui disent « préserver l’environnement » n’ont, eux, rien de végétal.

Tous ces plastiques permettent surtout d’emballer l’esprit. Ainsi, des pommes estampillées « Demain La Terre », une asso de producteurs qui travaillent en agriculture raisonnée, ont chacune leur emballage en bioplastique ! « Comme nous avons peu de budget pour communiquer sur nos efforts, les emballages servent de support », confie Guillaume Floch, chargé de produit au Verger de la Blottière, une des entreprises membres. L’illustration des limites du bioplastique, selon Christian Berdot : « En se focalisant sur la composition, on oublie la question de fond : celle du besoin. » —


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