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Pour valoriser leurs déchets, les restos ne sont plus en reste
jeudi, 28 août 2014
/ Luc Bontemps
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Au revoir, l’incinérateur et la décharge ! Le restaurateur Stephan Martinez a créé une filière de collecte pour les déchets organiques des établissements parisiens. Le projet rencontre un succès inattendu et attire même McDonald’s !
Au Petit Choiseul, bistrot du IIe arrondissement de la capitale, rien ne se perd, tout se transforme… en énergie. Son gérant, Stephan Martinez, est à l’origine d’un projet-pilote de valorisation des déchets alimentaires dans la restauration traditionnelle à Paris. Bye-bye, l’enlèvement en vrac et la fin de vie à l’incinérateur ou à la décharge. Les rebuts sont collectés en vue d’être transformés en biogaz ou en fertilisant. Le tout grâce à la méthanisation. Le projet, lancé en février dernier et auquel participent 80 restaurateurs, touche à des enjeux de taille. Les quelque 25 500 restaurants et hôtels parisiens rejettent entre 30 000 et 70 000 tonnes de déchets organiques (ou « biodéchets ») par an, de quoi produire jusqu’à 24,5 mégawattheures (MWh), soit la consommation électrique annuelle de 3 600 foyers français. Mais leur collecte était jusqu’à présent réputée impossible : trop compliquée à organiser en plein centre-ville de Paris. Du reste, les grandes entreprises du traitement des déchets ne s’y intéressent pas, préférant se concentrer sur la restauration collective, aux volumes plus conséquents. Moulinot Compost & Biogaz, la société créée par Stephan Martinez pour relever ce défi, s’est donc employée à monter de toutes pièces une filière de collecte. Deux ans d’efforts, jalonnés de déplacements à l’étranger. En Italie, il a trouvé des camions-bennes qui fonctionnent au méthane et qui sont assez étroits pour se faufiler dans la capitale. En Allemagne, il s’est procuré des poubelles un peu particulières, à fond rond, plus faciles à désinfecter.
Au départ de la chaîne, le personnel de cuisine a également dû être sensibilisé – le tri n’étant pas un geste naturel – et les équipements réaménagés pour faire place à des sacs poubelle transparents, permettant d’en vérifier le contenu. A l’autre bout, le choix de l’usine de méthanisation s’est révélé simple : une seule en région parisienne est dotée de l’agrément pour le traitement des biodéchets, celle de Bionerval, à Etampes (Essonne).
Le succès de l’expérience se mesure aussi à l’intérêt qu’elle suscite chez les chaînes de restauration comme Pizza Hut, McDonald’s ou Cojean. Un intérêt nullement fortuit : il est la conséquence du Grenelle II. A partir du 1er janvier 2016, tout producteur de plus de 10 tonnes de biodéchets par an – c’est-à-dire les restaurants servant en moyenne 200 repas par jour dans l’année – sera tenu de les valoriser !
Reste cependant à motiver la myriade de petits restaurateurs non concernés. Tous n’ont pas la fibre écologique. En outre, ils bénéficient d’une situation avantageuse à Paris, ville qui les exempte d’une redevance spéciale pour l’enlèvement des ordures. Ainsi, même si Moulinot a réussi à faire baisser le coût de son service à 300 euros par tonne de biodéchets collectée (ce qui est inférieur au coût des déchets ramassés en vrac pour l’incinération), cela représente toujours une dépense supplémentaire. « Loin d’être incitative, la fiscalité pénalise les restaurants engagés dans la valorisation de leurs déchets », déplore Stephan Martinez.
Entre 30 000 et 70 000 tonnes de biodéchets à valoriser à Paris