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Au Venezuela, le mystère du lac aux éclairs
jeudi, 28 août 2014
/ Simon Pellet-Recht
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Dans l’ouest du pays, une tornade électrique inexpliquée éclaire le ciel 150 nuits par an. Inquiets de sa possible disparition, de rares passionnés tentent de médiatiser le phénomène.
La nuit explose de mille feux, dans un silence assourdissant. Il est 4 heures du matin, les éclairs déchirent presque sans interruption la nuit noire qui couve paisiblement le lac de Maracaibo, dans l’ouest du Venezuela. La tornade électrique du Catatumbo – du nom du fleuve qui se jette dans le lac – a été inscrite à la fin du mois de janvier au Livre Guinness des records.
Elle produit plus de 250 éclairs par kilomètre carré et par heure. Il a fallu attendre la saison des pluies pour observer le phénomène dans toute son ampleur. « Entre avril-juin et septembre-novembre, on peut voir jusqu’à 28 éclairs par minute », explique Erik Quiroga, un écologiste natif de la région qui travaille sans relâche à médiatiser le sujet depuis dix-sept ans : « Imaginez un jacuzzi géant, le plus grand lac d’Amérique latine, totalement coincé entre des montagnes. La nuit, la rencontre entre les vents froids venus des Andes et les vapeurs chaudes de l’eau provoque ce phénomène unique au monde. » Selon une étude publiée en 2011 par la Mission de mesure des précipitations tropicales de la Nasa, le ciel du Catatumbo reste illuminé environ 150 nuits par an !
Alors que le vieux couple se laisse bercer dans un hamac par les lumières rougissantes de l’aurore, les barques déjà pleines de gros poissons-chats se faufilent entre les planches de bois qui font office de passerelles. Les enfants courent en riant dans l’eau peu profonde, avant de rentrer nettoyer leurs pieds couverts de pétrole avec des torchons imbibés d’huile. Il y a bien longtemps que la cinquantaine de familles qui vit là ne s’inquiète plus de cette pâte noire et gluante. « Cela vient des puits et des plateformes pétrolières au nord du lac. Il en arrive toujours plus, mais le poisson a toujours le même goût », assure, sereine, Maria.
« Le gouvernement vient nettoyer presque tous les ans, mais ce n’est pas suffisant », commente Alan Highton, qui craint pour le magnifique écosystème du Parc national Ciénagas de Juan Manuel, situé au sud-ouest du lac. Caïmans, dauphins d’eau douce, raies et mangrove sont menacés par la pollution. Du fait de la déforestation en altitude, les sédiments s’accumulent également rapidement et plusieurs villages de pêcheurs pourraient se retrouver au sec dans moins d’un an. Très alarmiste, Erik Quiroga affirme que le lac de Maracaibo lui-même pourrait disparaître, et la « tornade électrique » avec lui.
Mais, plus encore que la déforestation, le changement climatique mettrait le phénomène en danger. L’écologiste a ainsi déclaré en 2010 qu’un dérèglement du courant marin El Niño, dans le Pacifique, avait mis fin aux éclairs de Catatumbo pendant quelques mois… sans toutefois apporter de preuves scientifiques. A l’origine du record Guinness, Erik Quiroga veut à tout prix promouvoir sa flambante perle des Caraïbes. Au point de lancer que la fameuse tornade pourrait créer jusqu’à 20 % de l’ozone mondial. D’après lui, les dispositions géographiques exceptionnelles de la zone suffiraient aux tornades électriques du Catatumbo à produire, puis expulser la molécule en question suffisamment vite et haut pour participer à la régénération de la couche d’ozone, mais aucune étude scientifique n’est venue, là non plus, étayer son hypothèse pour l’instant.