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Emmabuntüs ravive la mémoire des ordis
jeudi, 28 août 2014
/ Emmanuelle Vibert
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Cette suite informatique issue du monde du logiciel libre a été créée au sein de la communauté Emmaüs. Econome et facile d’accès, elle permet de sauver des bécanes du rebut. Et a déjà fait des milliers d’adeptes à travers le monde.
On aurait aimé demander à l’abbé Pierre ce qu’il en pense, de cette nouvelle forme de solidarité, adaptée à l’ère numérique. En marge du mouvement Emmaüs, une poignée de bénévoles fait vivre depuis 2011 un logiciel libre créé pour reconditionner vite et bien les ordinateurs donnés aux communautés lancées par le célèbre abbé. Cette suite informatique, baptisée Emmabuntüs, a vu le jour dans celle de Neuilly-Plaisance (Seine-Saint-Denis) et poursuit son chemin dans les communautés de Montpellier et de Perpignan (Pyrénées-Orientales), en passant par Paris, Ivry-sur-Seine (Val-de-Marne) ou Dijon (Côte-d’Or). Elle a aussi contaminé quelques cybercafés africains. Et des milliers de personnes – 33 000 entre janvier et juin dernier – l’ont téléchargée en France, en Italie, aux Etats-Unis et même en Chine. Partout où ils passent, Emmabuntüs et ses adeptes sauvent les ordinateurs du rebut et luttent vaillamment contre la fracture numérique, l’obsolescence programmée et le monumental gaspillage des déchets électroniques.
Son auteur ? Appelez-le Patrick Emmabuntüs : il ne veut pas dévoiler son patronyme. 49 ans, ingénieur électronique en région parisienne, dans un groupe de high-tech. Quand l’envie lui prend, au milieu de la quarantaine, de donner de son temps pour lutter contre la misère, on l’oriente vers la communauté Emmaüs de Neuilly-Plaisance où Djebar, un bénévole, reconditionne des ordinateurs.
Jerry est un ordinateur assemblé avec des éléments de récup dans un bidon en plastique de 20 litres, créé en 2011 par des étudiants de l’Ecole nationale supérieure de création industrielle (Lire Terra eco n° 49, juillet-août 2013). « Ils ont choisi Emmabuntüs pour leurs Jerry, poursuit Patrick. Du coup, toute leur communauté a suivi, et notamment la plus grosse, celle de Côte d’Ivoire. »
Dans ce sous-sol d’une boutique Emmaüs s’entassent des ordinateurs en fin de vie sous une lumière blafarde. Pourtant, on s’attarde volontiers à boire du thé et à manger du chocolat, dans une atmosphère de franche bonhomie. Il y a là Hervé Solanet, 62 ans, technicien en traitement d’eau qui a fait le plus clair de sa carrière en Afrique. Depuis qu’il a rencontré Patrick en 2011, il teste les nouvelles versions de la suite informatique et il en envoie des DVD au cybercafé qu’il a créé au Burkina Faso. Hervé a monté cet atelier avec Patrick et Jack en décembre 2013. Ils ont rameuté Robert Ponthus et Jacques Bancel, deux autres retraités qui s’initient ici aux joies du libre. A l’étage, Jack est penché sur une machine que vient d’acheter une mère en boubou pour ses deux fils pas encore adolescents. Il leur montre à tous les trois le fonctionnement d’Emmabuntüs avec une pédagogie et une joie de vivre qui semblent inusables. On parie que l’abbé Pierre aurait été sacrément fier de ces bénévoles 2.0… —