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Autolib’ pas écolo ? Bolloré se défend
vendredi, 27 juin 2014 / Karine Le Loët /

Rédactrice en chef à « Terra eco ».

Epinglé par le Jury de déontologie publicitaire pour avoir employé la mention « écologique » dans une publicité, Bolloré, le pourvoyeur du service, répond point par point aux accusations.

Au volant de votre Autolib’, vous vous sentiez léger. Pas de nuages gris au sortir du pot d’échappement, pas de bruit aux oreilles de vos concitoyens et une voiture partagée par tous. Une décision du Jury de déontologie publicitaire (JDP) est venue jeter un pavé dans votre mer de tranquillité. Ce jeudi 26 juin, l’organisme a épinglé une mention apparaissant sur le site internet d’Autolib’ : « Le Jury constate que les deux pages publicitaires litigieuses font état du caractère “écologique” du service promu, sans le moindre élément de relativisation ou de comparaison. »

Une belle exagération, donc. Et ce n’est pas le seul cas relevé par le JDP. Le même jour, il a estimé que la mention « écologique » avancée par le service lyonnais Bluely de voitures en libre-service n’était pas justifiée. Deux mois et demi plus tôt, il avait rendu le même avis concernant une publicité de Bluecub, le service bordelais cette fois. [1] Epinglé dans les trois cas : Bolloré, le pourvoyeur de voitures électriques en libre-service. Et à l’origine des trois plaintes, un seul et même acteur : l’Observatoire du nucléaire, une association opposée à l’atome. « Les batteries des voitures d’Autolib’ sont rechargées sur le réseau ordinaire, alimenté comme chacun sait à 75% par de l’électricité nucléaire. On peut donc véritablement parler de “voitures nucléaires”, qui sont de fait coresponsables des pollutions occasionnées par l’industrie atomique : contaminations autour des mines d’uranium, rejets radioactifs et chimiques des centrales dans leur environnement, production de déchets radioactifs pour lesquels n’existe aucune solution, etc. », souligne l’Observatoire du nucléaire, dans un communiqué.

« Dire que la voiture électrique, c’est la voiture nucléaire, c’est faux ! »

Ces accusations sont « grotesques », selon Bolloré. « Pour l’Autolib’, nous bénéficions de certificats d’économie d’énergie délivrés par EDF parce que nos bornes sont alimentées par de l’électricité d’origine renouvelable. De la même façon, à Lyon, nous sommes en partenariat avec la Compagnie nationale du Rhône qui nous fournit une électricité 100% hydraulique. Et à Bordeaux, on a entamé des négociations pour faire la même chose, défend Julien Varin, directeur de la communication de Bolloré. Nous travaillons à ce que, sur tout le système d’autopartage en France, l’électricité utilisée soit d’origine renouvelable. Dire que la voiture électrique, c’est la voiture nucléaire, c’est faux ! »

« L’électricité issue des sources renouvelables est “injectée” dans le réseau électrique ordinaire, de sorte que le rechargement des batteries des véhicules électriques s’effectue indifféremment par de l’énergie renouvelable ou de l’énergie nucléaire », souligne pour sa part l’Observatoire du nucléaire. Impossible en effet de suivre un électron à la trace. Il n’empêche : signer un tel partenariat, c’est s’assurer qu’un nombre d’électrons équivalent à sa consommation entre, en amont, dans le circuit. Le JDP a néanmoins entendu la critique et précisé qu’« il n’est pas établi [que l’électricité alimentant les Autolib’ soit] intégralement issue de sources renouvelables ».

Moins de voitures dans les villes ? Le débat

Mais même à éliminer la source d’alimentation, la voiture de Bolloré n’est pas « propre », soutient l’Observatoire du nucléaire, puisqu’elle exige de l’énergie et de la matière première pour être fabriquée, notamment du lithium « extrait de gisements situés dans divers pays, en particulier en Amérique du Sud, dont l’environnement est là aussi gravement pollué », précise le même communiqué. Enfin, ce même véhicule occasionnera, en fin de vie, des déchets, donc de nouvelles pollutions.

Enfin, pour Stéphane Lhomme, le directeur de la même ONG, la voiture en libre-service a un ultime défaut : elle ne tient pas ses promesses de désengorger les villes : « Ce sont les gens qui, avant, prenaient les transports en commun qui ont été attirés par ces services », assure-t-il en se fondant sur une enquête réalisée par la ville de Paris et citée en mars 2013 par un adjoint (PCF) au maire de la capitale. Une allégation là aussi balayée d’un revers de main par le service de communication de Bolloré, qui en brandit une autre : « Une enquête de l’institut CSA (filiale du groupe Bolloré, ndlr) [2] et le verbatim de nos clients montrent que notre service permet au contraire d’enlever de la pollution des villes. » Avant d’assurer : « Je préfère qu’un enfant en poussette soit derrière un véhicule électrique que sous le pot d’échappement d’une voiture thermique. »

Retirera, retirera pas ?

Déclaration contre communiqué, rapport contre étude, Bolloré entend bien laver son image écornée par la décision – non contractuelle – d’un Jury qui « n’a pas pris en compte beaucoup de choses ». Mais n’exclut pas néanmoins de s’y conformer : « Retirer un mot d’une pub, ce n’est pas ça qui va remettre en cause notre contrat. Surtout que le reste du monde s’y intéresse. On développe le même système aux Etats-Unis dans trois semaines, à Londres en novembre… Des représentants importants d’Amérique du Sud, d’Asie viennent nous voir pour dupliquer notre système. Et ce qui les intéresse, c’est l’optique écologique. »