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En Provence, bienvenue au mas de la mue
jeudi, 26 juin 2014
/ Laure Noualhat / Journaliste errant dans les sujets environnementaux depuis treize ans. A Libération, mais de plus en plus ailleurs, s’essayant à d’autres modes d’écriture (Arte, France Inter, Terra of course, ...). Il y a deux ans, elle a donné naissance (avec Eric Blanchet) à Bridget Kyoto, un double déjanté qui offre chaque semaine une Minute nécessaire sur Internet. |
Aromathérapie, qi gong, kinésiologie, meilleure alimentation, on vient dans cet « hôtel universitaire du mieux-être » pour changer de vie.
Changer de vie, c’est un truc de crustacé. On change de carapace pour mieux affronter l’avenir. Du coup, en pleine mue, on a toujours besoin d’un bon gros rocher sous lequel reconstituer son armure. Niché dans le parc national du Luberon, à Forcalquier (Alpes-de-Haute-Provence), le mas de Fontefiguières, ancienne auberge à l’abandon, pourrait remplir ce rôle. Cet « hôtel universitaire du mieux-être », comme l’appellent ses propriétaires, est un lieu enchanteur où l’on vient apprendre à prendre soin de soi.
Patricia et Guillaume, les deux clients du moment, ont découvert Fontefiguières dans des magazines, « un peu par hasard ». Après des semaines de coma et une maladie chronique, Guillaume a trouvé un refuge où rebooster sa masse musculaire. « Je suis conquis », avoue-t-il, encore fragile. Patricia, insomniaque chronique, « dort comme un bébé » depuis qu’elle a posé ses valises ici. Changer de vie ? Ils disent ne pas trop avoir le choix. Et que le mas est « un cocon » qui aide à adopter de bonnes habitudes.
Rien d’ostentatoire dans les 14 chambres qui accueillent les « étudiants », mais une sobriété de bon goût où les matériaux nobles côtoient les enduits à la chaux. Tout a été récupéré chez des brocanteurs. Ici, la moindre porte ou brique revit. Les vélos en libre-service sont siglés Lapierre, l’électroménager est européen, la nourriture, bio et locale. Les graviers ont été remplacés par des noyaux de pêche concassés. Les deux femmes de ménage disposent d’un Smic majoré de 20 % et ne travaillent jamais les week-ends. Mickaël, le kinésiologue, Kaddar, le prof de qi gong, et Aurélien, qui initie à la gym posturale, sont même payés en périodes de disette. Surtout, le couple refuse d’inscrire son établissement sur le site de réservation Booking.com. « Cette société hollandaise paye ses impôts en Irlande, n’est pas soumise à la TVA en France, mais fait du business sur le dos des hôteliers français. » Autant dire que Fontefiguières multiplie les obstacles. Peu importe, ils croient dur comme fer à leur projet et s’accordent « trois ou quatre ans pour que ça marche ». —