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A Fukushima, vive le vent des mers
jeudi, 26 juin 2014 / Johann Fleuri

Dans la préfecture nippone meurtrie, le plus grand parc éolien offshore au monde est en train de sortir des flots.

Gonflé, le professeur Takeshi Ishihara ! Le projet qu’il mène incarne ce Japon qui a vu le pire le 11 mars 2011 – date du tsunami qui a entraîné la catastrophe nucléaire de Fukushima – et qui cherche depuis à trouver des solutions pour l’énergie de demain. A la tête du département d’ingénierie civile de l’université de Tokyo, Takeshi Ishihara, 52 ans, étudie l’énergie des vents depuis toujours. Aujourd’hui, c’est lui qui supervise le « Fukushima Forward », un projet d’éoliennes flottantes en mer. Ce parc a une double ambition : être le plus grand du globe et faire de Fukushima un pionnier mondial en termes d’énergie renouvelable. Takeshi Ishihara a la pression. Toutes les têtes pensantes du Japon ont les yeux rivés sur lui. L’investissement est lourd : 18 milliards de yens (126 millions d’euros). Lancé en mars 2012, Fukushima Forward est porté par le ministère de l’Economie, du Commerce et de l’Industrie et une dizaine de poids lourds de l’industrie nipponne, parmi lesquelles Marubeni, Hitachi ou Mitsubishi.

Des mégaturbines en 2015

C’est à 20 kilomètres au large de la zone interdite que le projet est déployé. Le professeur Ishihara est conscient que, sans la catastrophe, il aurait mis encore des années à percer. « Cela faisait dix ans que nous étions prêts, explique-t-il dans une interview accordée au site Nippon.com. Dix ans que je suppliais les entreprises de nous suivre, mais aucune n’était prête. Ce qui s’est passé en 2011 a enclenché de nouvelles pensées. »

En novembre 2013, la première turbine a été installée puis mise à l’essai. Baptisée « Fukushima Mirai », littéralement « le futur de Fukushima », elle mesure 106 mètres de hauteur pour un diamètre de 80 mètres. En production, elle pourra atteindre les 2 000 kilowatts, et répondre aux besoins de 1 700 foyers ! Et elle a récemment été rejointe par un poste flottant. Le chantier devrait être achevé en 2015 avec l’installation de deux autres mégaturbines de 164 mètres de diamètre. Le parc couvrirait alors la consommation énergétique de 10 000 foyers et serait le plus grand du monde ! Les élus locaux, profondément impatients de redorer l’image de la préfecture, se frottent les mains. Le bébé de Takeshi Ishihara suscite l’espoir d’assainir l’image de cette région meurtrie. En lui permettant de devenir pionnière en matière d’énergie verte, le gouvernement espère créer de l’emploi dans une région privée de ses deux principales ressources : l’agroalimentaire et le tourisme.

Convaincre les pêcheurs

Fukushima serait alors la proue d’une économie verte dans le pays, à l’heure où de nombreux Japonais demandent une sortie définitive du nucléaire. « Fukushima fait un pas vers le futur, a déclaré Yuhei Sato, le gouverneur de la préfecture lors d’une cérémonie présentant le projet. L’éolien offshore va devenir l’un des symboles de notre avenir. » Mais pour que le projet voie le jour, Takeshi Ishihara doit encore convaincre les pêcheurs locaux. Pour cette dernière étape, il est prêt à employer les grands moyens. « Pour qu’ils adhèrent au projet, il faut avant tout qu’ils comprennent cette nouvelle technologie. Pour cela, nous allons leur permettre d’accéder au parc pendant les deux premières années de mise en service. Ils pourront ainsi témoigner qu’il n’y a pas de problèmes. » Pas si fou que ça finalement, le professeur. —

Le site de Fukushima Forward

Les travaux du professeur Ishihara

L’étude sur les énergies renouvelables marines de l’Ifremer