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Au Burkina, grand-mère sait faire un bon panneau solaire
jeudi, 26 juin 2014
/ Caroline Lefebvre
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En 2010, six mamies burkinabées s’envolaient en Inde pour apprendre à installer des unités photovoltaïques. Depuis leur retour, leurs villages se sont transformés.
Penchées sur un panneau solaire, huit femmes babillent dans un mélange d’anglais, de mooré et de dioula (1). Elles branchent, débranchent, vérifient la charge de la batterie… et se mettent à danser quand la lumière jaillit. Dans le centre d’hébergement de Moundasso, à Dédougou, dans l’ouest du Burkina Faso, un groupe de curieux s’extasie devant cette scène étrange : quatre villageoises analphabètes enseignent à quatre villageoises analphabètes comment monter un équipement solaire. L’histoire commence le 13 septembre 2010, à l’aéroport de Ouagadougou, la capitale burkinabée : six « grands-mères » (2) terrorisées s’envolent, seules, pour six mois à Tilonia, dans le nord-ouest de l’Inde. Elles ont entre 40 et 51 ans, âge respectable pour le pays – l’espérance de vie n’y dépasse pas 56 ans – et garantie de leur attachement à leur village. Désignées par leurs communautés, elles partent apprendre l’ingénierie solaire au Barefoot College, le « collège aux pieds nus », qui forme depuis les années 1990 des femmes illettrées dans l’Etat du Rajasthan. Le principe : placer les technologies entre les mains des populations pauvres pour leur en garantir l’accès.
C’est le FEM/ONG qui a financé les unités – une lampe portative et un panneau photovoltaïque alimentant deux ampoules et des portables. Chaque foyer bénéficiaire doit cependant s’acquitter de 180 000 francs CFA (274 euros), payables en trois ans, pour la maintenance et le renouvellement. La somme, conséquente dans un pays où le revenu moyen plafonne à 30 euros par mois, est « plus avantageuse que les 7 000 francs mensuels dépensés en piles ou en pétrole », note Rosalie Congo. Et le matériel du Barefoot, garanti quinze ans, est plus fiable que les « chinoiseries » vendues sur les marchés.
« En faisant naître la lumière dans leurs villages, ces femmes prouvent qu’elles ne sont pas bonnes que pour le cimetière ou pour s’occuper des petits-enfants », se réjouit Rosalie Congo, qui a convaincu le gouvernement burkinabé de financer du matériel pour quatre nouvelles communes et la formation de quatre techniciennes par les « grands-mères solaires ». En attendant la création d’une antenne du Barefoot College au Burkina, réservée aux femmes illettrées. Celles qui, selon les pionnières, « écoutent avec les oreilles, regardent avec les yeux, retiennent avec la tête et s’engagent avec le cœur ». —
(1) Les deux principales langues locales.
(2) Deux d’entre elles sont décédées depuis.