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L’Ademe, bras (dés)armé de la transition énergétique ?
vendredi, 13 juin 2014 / Alexandra Bogaert

L’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie risque de voir son budget amputé de près de 20%. Pourtant, elle devrait être un outil majeur de la mise en œuvre de la future loi sur la transition énergétique.

A quelques jours de la présentation du projet de loi sur la transition énergétique – prévue pour mercredi 18 juin après avoir été plusieurs fois repoussée - l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie se demande bien ce qu’elle va devenir.

Son président, Bruno Léchevin, a confirmé mercredi à l’occasion d’une audition à l’Assemblée nationale que « le budget fait partie de [ses] préoccupations ». En effet, l’établissement public à caractère industriel et commercial pourrait voir sa prochaine enveloppe amputée de 100 millions d’euros, soit 17% de son budget actuel de 590 millions d’euros. Autre rumeur qui bruisse dans les couloirs de l’Ademe : le reversement de la taxe sur les activités polluantes à l’agence - qui lui procure une part conséquente de ses revenus - pourrait diminuer de 2% par an jusqu’en 2017.

Bruno Léchevin a prévenu les députés que « les arbitrages ne sont pas encore faits ». Il faudra sans aucun doute trancher « au plus haut niveau » ce cas litigieux entre Bercy et le ministère de l’Ecologie. Car l’Ademe est bien, selon ses dires, le « fer de lance naturel de la transition énergétique et écologique », promue par Ségolène Royal.

Une agence qui peine déjà à exercer ses missions

Les premiers signes ne sont pas très encourageants : le gouvernement doit faire 50 milliards d’euros d’économie. L’Ademe qui apporte son expertise et ses financements aux entreprises, aux collectivités locales, aux pouvoirs publics et au grand public (via les Espaces info énergie) contribue déjà à l’effort collectif. Ses effectifs sont rabotés, avec 45 postes supprimés entre 2013 et 2015. Dans un an, l’agence ne comptera plus que 910 équivalents temps plein environ. « Et l’effort va perdurer », a prévenu Bruno Léchevin. Ce n’est pas tout : « Un certain nombre de programmes engagés sont en perte de vitesse malgré les objectifs fixés lors du Grenelle de l’environnement ou les conférences environnementales. La lutte contre les nuisances sonores, par exemple, a été purement et simplement abandonnée. Dans le domaine de l’éducation à l’environnement, on ne fait plus rien », constate, amer, Ruven Gonzalez, délégué syndical Sne-FSU de l’agence.

« Il y a déjà un affaiblissement du savoir-faire de l’Ademe », abonde Nicolas Noyon, délégué syndical CFDT. « On n’est plus capable de répondre aux demandes des collectivités, d’accompagner les territoires dans leurs projets de développement durable alors que c’est le cœur de notre mission. » D’autant qu’une partie des effectifs est désormais affectée à l’accompagnement des grandes entreprises vers une démarche plus durable à travers les investissements d’avenir.

Résultat : « Si les 100 millions d’économies sont confirmés, tous les domaines d’action de l’Ademe vont être affectés. La recherche mais aussi les fonds chaleur et déchets, [les deux grands outils de financement des projets]. Ce qui signifie concrètement que les objectifs du Grenelle de porter à 23%, d’ici à 2020, la part d’énergies renouvelables dans la production de chaleur, seraient remis en cause », analyse Ruven Gonzalez.

Vers la fin de la politique environnementale ?

Pourtant, la transition énergétique et le développement des énergies renouvelables sont censés être des thèmes majeurs du quinquennat de François Hollande. « C’est totalement contradictoire : On ne peut pas dire que la transition énergétique est LE défi du XXIe siècle et se priver des moyens de la mettre en œuvre ! L’Ademe est l’outil pour changer de modèle », fulmine Benoît Hartmann, porte-parole de France Nature Environnement. Fort de ses 850 000 adhérents, il se dit « vent debout » contre les possibles restrictions budgétaires. « Vous imaginez recevoir la Conférence de l’ONU sur le climat [à Paris en décembre 2015] et parler de l’exemplarité de la France si on ne se donne pas les moyens d’une vraie politique énergétique ? J’aimerais bien entendre Fabius [ministre des Affaires étrangères] sur cet arbitrage de Bercy... », grince-t-il.

FNE, qui fait partie du conseil d’administration de l’Ademe, a de multiples partenariats avec l’agence concernant la sensibilisation du public à la prévention des déchets et à la méthanisation. « S’il y a restriction du budget, ce sont les associations financées par l’Ademe pour accompagner les politiques publiques qui vont aussi en pâtir », poursuit Benoît Hartmann. Et d’en appeler à « Madame Royal pour nous aider à résoudre le problème Hollande. Sinon, on va à la mort inéluctable de la politique environnementale française, qui ressemble déjà à une vaste fumisterie ».