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Nouvelles régions : « Les citoyens s’attachent à leur territoire qu’ils défendent »
jeudi, 5 juin 2014 / Alexandra Bogaert

La réforme territoriale redessinant la France en 14 super-régions suscite crispations et interrogations sur le bon échelon pour mener une politique durable. Luc Florent, géographe, fournit quelques éclaircissements.

Annoncée dans la presse quotidienne régionale mardi 3 mai, la réforme territoriale voulue par François Hollande prévoit le passage en 2015 de 22 à 14 régions en métropole. Les régions auront notamment à leur charge les politiques de développement durable, sauf sur le territoire des futures métropoles. Luc Florent, géographe à l’ESC Troyes, aide à y voir plus clair.

Terra eco : Un redécoupage territorial de la France était-il nécessaire ?

Luc Florent : Oui, car actuellement, les compétences se superposent. Un exemple avec le tourisme : de la commune à la région, tous les échelons peuvent développer leur propre politique touristique, sans se soucier de ce que fait l’échelon supérieur ou inférieur. Les touristes ignorent même l’existence des Comités régionaux et départementaux du tourisme alors qu’ils ont des bureaux pour les accueillir. N’est-ce pas un gaspillage d’argent ? Réformer est donc important. Mais le chemin choisi part d’en haut, sans que les premiers concernés comme l’assemblée des régions ou la Datar (la Délégation interministérielle à l’aménagement du territoire et à l’attractivité régionale) n’aient été consultés. L’esprit des états généraux de la démocratie territoriale, organisés il y a deux ans par le Sénat (il s’agissait d’une grande réflexion sur l’organisation décentralisée de la République et la démocratie locale à l’occasion de laquelle les élus locaux ont été consultés, ndlr) est loin. La démocratie participative, inexistante.

Cela explique-t-il en partie les crispations de la population ?

Il y a dans certaines régions comme l’Alsace, la Bretagne, le Nord-Pas-de-Calais depuis Bienvenue chez les Ch’tis, une identité revendiquée. Dans d’autres, comme les Pays de la Loire qui sont à la base une pure construction administrative, ou la région Centre, un sentiment d’appartenance a fini par naître. Mais même dans des régions où il n’y a a priori pas un tel sentiment, comme en Languedoc-Roussillon qui pourrait fusionner avec Midi-Pyrénées, on sent des crispations, certainement liées au fait que la population n’a pas été consultée. Parce que dans un contexte de mondialisation qui les inquiète, les citoyens s’attachent à leur petit territoire qu’ils défendent.

Les thématiques liées au développement durable - transition énergétique, transports, biodiversité, agenda 21 – vont être sous la responsabilité des régions redessinées. Est-ce l’échelon pertinent ?

C’est celui demandé par l’ONU et l’Europe. Mais on ne protège bien que ce à quoi on est attaché, et on s’attache à ce à quoi on s’identifie. La question se pose de savoir quels efforts des Hauts-Marnais feront pour protéger un territoire qui s’étendra de la Marne à la Somme...

Une loi adoptée en janvier dernier prévoit qu’en 2015 les métropoles de 400 000 habitants et plus se voient attribuer, à l’échelle de leur territoire, les compétences liées au développement durable. Quelle pourrait être l’articulation avec la région ?

Notons déjà que trois régions sur les quatorze ne devraient pas avoir de métropole : Champagne-Ardenne/Picardie, région Centre/Limousin/Poitou-Charentes, Franche-Comté/Bourgogne. Quand d’autres vont en avoir plusieurs sur leur territoire. A mon sens, les politiques liées au développement durable ne peuvent pas se concevoir sur un point isolé. Ce qui se passe dans la métropole a forcément un impact sur ce qui l’entoure. L’échelon régional est plus pertinent, sous réserve qu’il soit bien accepté par la population.

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