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Rihouet, Collado, Dhéliat : Comment les présentateurs météo expliquent le climat
mardi, 3 juin 2014 / Thibaut Schepman /

Non, nous n’avons pas à « sauver la planète ». Elle s’en sort très bien toute seule. C’est nous qui avons besoin d’elle pour nous en sortir.

Plusieurs présentateurs météo étaient invités à parler climat avec le ministre Laurent Fabius ce mardi. L’idée fait jaser mais est tout à fait sérieuse.

Le plus souvent, mieux vaut éviter de mélanger météo et questions climatiques. Sinon, on risque fortement de prendre une douche froide, comme le climato-sceptique Claude Allègre et sa blague favorite : « Vous allez voir l’hiver qu’il va faire, vous allez voir si c’est un réchauffement. » Il est toutefois un métier qui implique de jongler entre pluie, beau temps et climat : celui de présentateur météo. Ce mardi, une dizaine d’entre eux étaient invités à petit-déjeuner avec le ministre des Affaires étrangères Laurent Fabius, « afin d’explorer les différentes manières qui pourraient être mises en œuvre pour sensibiliser le grand public aux enjeux climatiques » d’ici la conférence sur le climat que la France accueillera en décembre 2015.

Top Chef et la faim dans le monde

L’annonce de ce rendez-vous a beaucoup amusé, notamment sur Twitter où pour certains ce petit-déjeuner revient à « rencontrer le jury de Top Chef pour parler de la faim dans le monde ». Et pourtant, les présentateurs météo sont pour une large partie du public la première source d’information sur les dérèglements climatiques. Et beaucoup de téléspectateurs aimeraient même avoir plus d’informations scientifiques sur le sujet lors de leur bulletin quotidien.

« Les présentateurs sont un formidable vecteur d’information sur le changement climatique. Les gens les voient tous les jours et sont très attentifs à ce qu’ils disent, les analyses montrent qu’ils considèrent les présentateurs comme des amis et non comme des journalistes plus austères, c’est l’idéal pour expliquer des notions complexes. Quand je fais une présentation sur le changement climatique en compagnie d’Evelyne Dhéliat, je remarque que mon discours a beaucoup plus d’impact sur l’assemblée que quand elle n’est pas là », note Emmanuel Bocrie, directeur de l’unité média de Météo France, qui informe plusieurs fois par jour les présentateurs de ses chaînes clientes sur l’actualité météorologique mais aussi sur les événements liés au changement climatique.

« On s’adresse à des millions de téléspectateurs, ça fait partie de notre rôle de parler du climat. C’est important, à l’échelle mondiale il y a encore de nombreuses personnes qui n’ont pas conscience du problème », défend ainsi Evelyne Dhéliat, la présentatrice vedette de TF1 qu’on a déjà vu rouler à vélo lors d’une manifestation sur le changement climatique, ou encore participer à des journées d’information sur le sujet. Son confrère Joël Collado – qui officie sur France Inter et France Info et dit lui aussi s’informer régulièrement sur la question – confirme : « On n’est pas climatologue, on ne l’évoque pas à chaque bulletin, mais on essaye de mentionner régulièrement le changement climatique. »

« On a beaucoup d’outils à notre disposition, notamment des images satellites, ça nous permet de montrer les dérèglements en cas de catastrophes naturelles ou d’épisodes de températures exceptionnelles », confirme Fanny Agostini, qui présente sur BFM TV. Le prévisionniste Emmanuel Bocrie, en poste depuis dix ans, confirme cet intérêt des présentateurs : « Ils évoquent de plus en plus souvent le sujet mais en plus on sent qu’ils ont davantage le réflexe de s’interroger face à un événement exceptionnel sur le lien ou non avec les dérèglements climatiques. »

« Chaos », « réchauffement » ou « dérèglement »

Mais l’exercice est loin d’être toujours aisé, déplore Fabienne Amiach (France 3) : « On essaye d’évoquer ces questions, mais c’est très difficile, je l’ai dit au ministre. On a seulement un temps d’antenne de 2 minutes 30 avec 30 secondes occupées par les sponsors, on n’a pas le temps de donner beaucoup d’informations. Déjà, quand il y a une catastrophe, on parle vite et certaines personnes ont du mal à suivre. » Pour Emmanuel Bocrie, la solution passe peut-être par des interventions des présentateurs pendant les journaux télévisés, en plateau : « Ça se fait de plus en plus souvent, c’est une solution quand l’actualité est très chargée. »

Et quand le temps manque, chaque mot compte. Le terme « réchauffement » est rejeté par tous, trop sujet à confusions. Joël Collado vote pour le remplacer par « chaos climatique » : « Laurent Fabius a proposé ce terme, j’aime bien, c’est très fort. » Trop « démoralisant » pour Nathalie Rihouet (France 2) qui préfère évoquer le « changement climatique » : « Il ne faut pas être démoralisant ni culpabilisateur. » Autant de mots que réfute l’un de leur confrère, Laurent Cabrol (Europe 1), ouvertement climato-sceptique. Mais ce dernier n’était pas invité par le ministre.

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