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Ce que la phobie du gluten doit changer dans votre assiette
mardi, 29 avril 2014 / Thibaut Schepman /

Non, nous n’avons pas à « sauver la planète ». Elle s’en sort très bien toute seule. C’est nous qui avons besoin d’elle pour nous en sortir.

De plus en plus de personnes boycottent le gluten. Parmi elles, certaines se trompent, mais leurs craintes nous apprennent beaucoup sur les erreurs de notre alimentation quotidienne.

Dans les commentaires de nos articles ou sur notre page Facebook, vous êtes de plus en plus nombreux à vous interroger sur l’impact du gluten sur votre santé. Autour de vous, certaines personnes ont peut-être déjà adopté le régime « sans gluten ». Récemment, Manuel Valls ou Novak Djokovic s’y sont mis. Prise de conscience soudaine ? Epidémie ? Ce phénomène anti-gluten comprend une part de rumeurs et d’erreurs, mais il pourrait bientôt changer le contenu de vos assiettes.

Il faut d’abord savoir qu’1% à 2% de la population est totalement intolérante au gluten. Pour eux, l’abstinence est le seul remède. Adieu pains, pâtes, bières, biscuits et même certaines charcuteries, sauces et condiments… Ces personnes ont une maladie auto-immune, appelée maladie cœliaque. « Ces malades souffrent de fatigues, de troubles digestifs récurrents, notamment des diarrhées et flatulences régulières. Les enfants peuvent maigrir. Et quand cette maladie n’est pas détectée, elle peut engendrer des complications graves, notamment des lymphomes  », indique le nutritionniste Laurent Chevallier.

Si vous souffrez de symptômes récurrents, nous vous conseillons de (re)lire cet article écrit en septembre dernier où nous vous indiquions comme se faire diagnostiquer.

Un régime sans gluten... pour mincir !

Le problème c’est qu’une bonne partie de ces malades s’ignorent : l’Association française des intolérants au gluten (Afdiag) estime qu’à peine 10%  à 20% des malades sont diagnostiqués. Le nombre de malades reconnus en France n’en reste pas moins en constante augmentation, notamment parce que les tests de dépistages ont beaucoup progressé ces dernières années. Impossible en revanche de savoir si le nombre total de cas augmente.

Plus nombreux encore sont ceux qui rejoignent une deuxième catégorie d’abstinents au gluten, appelés les « hypersensibles ». Il s’agit de personnes qui cessent de piocher dans cette famille d’aliments non pas parce qu’elles souffrent de la maladie cœliaque mais parce qu’elles se sentent mieux avec ce régime alimentaire. Elles sont si nombreuses que dans un article publié en 2012 sur le sujet, le blog « Quand l’appétit va » relevait un « effet de mode » autour de ce régime laissant croire que boycotter le gluten suffit à se sentir mieux. L’article rappelait même que certains magazines féminins proposent de bannir le gluten... pour perdre du poids. Une idée absurde aux yeux des nutritionnistes.

Et si ce n’était pas le gluten ?

« Il y a un côté rumeur et une part d’obscurantisme chez certaines personnes qui arrêtent de manger du gluten. Mais c’est très compliqué parce qu’il peut y avoir une part de psychosomatique donc cela peut avoir un effet bénéfique. Il y a aussi des gens pour qui le simple fait de changer de régime alimentaire et de faire plus attention permet de se sentir mieux », décrypte Christian Rémésy, ancien directeur de recherche à l’Institut national de la recherche agronomique (Inra).

Pour ce nutritionniste, ce boycott parfois abusif du gluten serait un bon indicateur de nos troubles alimentaires. « On peut identifier plusieurs problèmes autour de cette tendance, notamment qu’il y a de plus en plus de personnes dont l’intestin est fragile à cause de nos rythmes de vie et à cause des trop nombreux aliments transformés que nous consommons. » Son confrère Laurent Chevallier confirme, et avance une hypothèse : « Dans la grande majorité des cas, le concept d’hypersensibilité au gluten est une erreur. On a sous-estimé l’impact pour les intestins de certains sucres que l’on commence à mieux connaître et qu’on appelle FODMAPs (Oligosaccharides, disaccharides, monosaccharides et polyols fermentescibles par la flore intestinale). Ce sont des sucres qui sont difficiles à digérer et qui vont donc parfois fermenter dans les intestins et créer des troubles. On trouve ces sucres dans des produits qui contiennent du gluten comme le pain et les produits industriels mais aussi dans les chewing-gums ou encore les jus de fruits. La solution pour ces gens n’est pas un régime strict sans gluten mais une alimentation dépourvue le plus possible de produits industriels hypertransformés. » Parce que manger moins de pain les soulage, certaines personnes se pensent hypersensibles au gluten alors que ce sont peut-être les sucres industriels qu’il leur faudrait boycotter.

Nos conseils pour mieux manger

Ces précisions devraient inciter à ne pas se jeter sur les produits sans gluten qui envahissent peu à peu les étals. « Il y a une nouvelle offre de produits sans gluten qui sont très transformés et qui contiennent des additifs. Se tourner vers ces produits revient à essayer de résoudre un problème avec des substituts sans intérêt nutritionnel, voire problématiques. C’est une mauvaise idée, mieux vaut avancer vers une alimentation plus naturelle », dénonce Christian Rémésy.

Oublier le gluten ne peut donc être la solution magique à tous nos maux. Mais pour ne pas vous laisser sur votre faim, nous avons listé une série de conseils alimentaires révélés par cette « crise du gluten ». Ça tombe bien, ils s’adressent à tous, intolérants, hypersensibles ou bien-portants et ils collent parfaitement aux changements à apporter pour aboutir à un système alimentaire plus durable.




1) Eviter les produits industriels transformés contenant de nombreux additifs. Pour vous aider, nous vous conseillons de retrouver notre guide pour décrypter les étiquettes alimentaires.

2) Au petit déjeuner, attention aux jus et au pain. « Commencer la journée par un jus de fruit industriel est une mauvaise idée. L’idéal c’est de presser soi-même ses fruits. Ils contiennent aussi des sucres mais en quantité plus faible et plus facile à digérer », indique Laurent Chevallier. « La baguette blanche a de gros problème de digestibilité. La filière pain a sélectionné du blé avec du gluten très résistant, tandis que la panification se fait souvent très vite, à froid et en pétrissant beaucoup, ce qui fait qu’il n’y a plus de fermentation au levain traditionnel ni d’activité enzymatique. Il faut opter pour du pain au levain, si possible avec une panification la plus lente possible », conseille pour sa part Christian Rémésy.

3) Entre les repas, mollo sur les chewing-gums et les sodas.

4) Au déjeuner et dîner, vive les crudités « Il faudrait retrouver un meilleur équilibre entre le cuit et le cru. L’idéal serait de commencer les repas par des crudités, cela va donner du grain à moudre à l’intestin et lui permettre de se renforcer », conseille Christian Rémésy, qui rappelle pour finir que l’offre de pâtes alimentaires « très digestibles » à base de céréales et de légumineuses est de plus en plus riche. Bon appétit.




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