https://www.terraeco.net/spip.php?article54716
Stéphane Marie, coup de show au jardin
jeudi, 24 avril 2014 / Cécile Cazenave

Pédagogue, passionné et piquant, l’animateur vedette de « Silence, ça pousse ! » a rendu le bouturage branché à la télé. Aujourd’hui, son émission dépasse le million de fidèles.

Les paris étaient lancés : de quelle couleur serait le pull-over de Stéphane Marie ? L’animateur de l’émission Silence, ça pousse !, sur France 5, en a fait gagner une et perdre quelques-uns, à la rédaction. Il est arrivé d’un pas alerte, en chandail violet raisonnable, pantalon jaune poussin, chèche bleu vif et veste en lainage vert, de la couleur de ses yeux, un sac de voyage sur l’épaule, comme dans une pub du BHV-Homme. Et au bistrot, à deux pas de la place de la République, à Paris, les consommateurs du matin l’ont regardé entrer. Car Stéphane Marie, 53 ans, ne soigne pas son look joyeux et faussement bohème pour rien : c’est une vedette.

En un peu plus de quinze ans, il a fait passer les conseils de jardinage du statut pré-ORTF à ce qu’il y a de plus branché sur le PAF. De treize minutes et une voix off en 1998, l’émission, dont il est également rédacteur en chef, tient désormais l’antenne pendant cinquante-deux minutes, rythmées et calibrées comme une case mode. Elle aurait dû s’appeler Les quatre saisons, mais fut finalement et judicieusement baptisée d’un titre tenant la route auprès des moins de 50 ans. Et bim, elle a fini par pointer à 1,1 million de téléspectateurs un mercredi soir de l’année dernière. « Alors qu’on passe tard, après 21h30, souligne-t-il. Moi, à cette heure-là, je perds les gosses, et ça, ça me fait chier. » Stéphane Marie, entre clown et moine-soldat de la pédagogie horticole, a presque l’air étonné du succès. Il n’en est en réalité rien : il récolte ce qu’il a semé.

Inspiration outre-Manche

Son histoire en est une bien roulée pour la télé : celle d’un scénographe toujours en vadrouille, de plateaux de théâtre en scènes de danse contemporaine, qui, à 30 ans, décide de poser ses valises dans la grange du grand-oncle, Louis, agriculteur dans le Cotentin, la région familiale. Il s’y repique, retrouve racines et ne peut plus s’en arracher. « Le week-end, si je ne rentre pas chez moi, je deviens vert, note-t-il, avec malice. Je suis né au bord de la mer, la carence en iode se fait sentir rapidement. » Il se met donc, à l’époque, à bêcher. « Ça me permettait de m’amuser comme sur un plateau, en construisant de l’espace avec la nature, se rappelle-t-il. Pour ça, il faut apprendre la botanique, je l’ai fait seul, pendant six ans, pour moi. » Puis un jour, le jardin de Barneville-Carteret, dans la Manche, est devenu le plateau de Silence, ça pousse !, le labo des leçons de bouturage. Un lieu bucolique, médiatique et presque mythique. Il en fait même la visite aux curieux une fois par mois. Et les magazines de déco féminins s’intéressent volontiers à la maison attenante, où il a fêté, jadis, ses 18 ans, et qu’il a depuis investie comme base de vie.

D’après les rédactrices spécialisées, Stéphane Marie a du goût. On est certain qu’il a également du nez. Car des années 1990, l’on garde encore au creux de l’oreille la voix professorale et bon père de famille de Michel le jardinier qui répond, sur une radio du service public, à la lettre de Monique, jeune retraitée du Puy-de-Dôme, demandant à quel moment de l’année tailler ses gardénias. Pour Stéphane Marie, passé par les Beaux-Arts, la fin du siècle dernier correspond plutôt à la révolution du paysagiste Gilles Clément, qui laisse champ(s) libre(s) à la nature, et au début des interrogations écologiques. Le jeune homme a alors l’intuition que ça va bourgeonner autour des pelouses de papi. « Mon métier, c’était quand même d’être dans l’air du temps, lâche-t-il. Je vivais avec quelqu’un qui travaillait dans la mode : je savais, même inconsciemment, qu’il fallait faire quelque chose autour du jardin. »

En Normandie, avec son compagnon anglais, les dimanches soir se passent devant la BBC. Et de l’autre côté de la Manche, cela fait déjà belle lurette que les émissions de jardinage cartonnent et que les particuliers candidatent pour une séance de télé-réalité sur leur gazon. « Les Anglais, mais aussi les Allemands et les Belges savent depuis longtemps que le jardinage, ce n’est pas que pour les ploucs. Ils ont une longueur d’avance médiatique sur nous, explique Alain Baraton, jardinier en chef du Grand parc de Versailles et chroniqueur sur France Inter. Stéphane Marie fait partie de ceux qui comblent ce retard ! » En 2002, Noëlle Bréham, une voix maison de la même station, débarque sur France 5. Les deux compères peaufinent un show drolatique. Dans le rôle de Candide, Noëlle, qui s’étonne et s’enthousiasme. Dans le rôle de l’exubérant, Stéphane, qui bêche et explique.

Et la botanique dans tout ça ? « Stéphane Marie prouve que l’on peut enseigner en divertissant, estime Alain Baraton. Il est passionné, passionnant et sait de quoi il parle. Il n’y a rien à dire là-dessus. » En 2006 est créée la séquence « Pas de panique », dans laquelle le jardinier débarque avec son équipe, ses crayons et ses carnets dans le jardinet ou sur le balcon de Pierre, d’Albertine ou bien de Quentin, et transforme un vulgaire carré de boue en petit paradis, selon le goût et les aspirations de ses hôtes. Résultat : 40 000 demandes chaque année ! Rien que ça. « Ça a boosté les audiences », reconnaît-il. Stéphane Marie s’est fait l’emblème d’un désir végétal en pleine sève. Le contrepoint impératif, selon lui, d’un monde et d’une époque devenus quasi virtuels, immédiats et sans fil. « Il y a une réalité dans le jardin qui a quelque chose à voir avec le temps qui passe, le désir et l’attente, estime-t-il. Quelque chose lié à la philosophie : il nécessite de se remettre dans une réalité concrète, incontournable, intordable. »

Cités idéales de la Renaissance

Ces derniers temps, lui qui rêve aux cités idéales de la Renaissance, croit que l’avenir du jardin est en ville et s’inquiète du grignotage des terres agricoles, plantait volontiers des prêles – appelées aussi « queues de rat » – sur les balcons de ses candidats. A Antoine, un trentenaire parisien en quête d’un balcon zen, il expliquait, dans une des émissions diffusées récemment, que cette plante était « l’une des plus anciennes au monde et qui tout d’un coup devient très moderne ». Un tour de passe-passe qui va comme un gant à ce jardinier de notre temps. —

En dates

1960 Naissance dans la Manche

1990 Installation dans la grange de son grand-oncle, agriculteur à Barneville-Carteret (Manche)

Depuis 1995 Anime Silence, ça pousse ! sur France 5

2006 Création de la séquence « Pas de panique » dans Silence, ça pousse !

2010 Publie C’est mon jardin (Chêne, 2010)




Trois conseils pour débutants repiqués dans « Silence, ça pousse ! »



- 1. Bouturer les pélargoniums

Dit comme ça, ça fait savant, mais le commun des mortels nomme les pélargoniums… « géraniums », autrement dit les rois du balcon. Figurez-vous qu’ils gèlent l’hiver. Stéphane Marie propose donc, à la fin de l’été, de préparer des boutures qui tiennent dans un petit pot. Ils prennent alors moins de place à l’intérieur pour passer la saison froide. On coupe cinq centimètres de tige en gardant seulement quelques feuilles, que l’on plante dans un mélange moitié sable, moitié terreau. Avec un cul-de-bouteille, on fabrique une cloche qui va permettre à la bouture de s’enraciner en sept jours. Gardez au chaud jusqu’en mai pour un renouveau mérité.

- 2. Semer des poireaux dans du marc de café

Le grand-père de Stéphane Marie récoltait les premiers poireaux du village, sans serre chauffée, sans accessoires, sans produits modernes. Son secret ? En février, il semait ses graines de poireaux – et même de tomates – dans le marc de café. Il déposait les barquettes ainsi composées devant la cheminée afin de les faire lever. Quand les plants avaient grandi de quelques centimètres, il repiquait avant de les mettre au potager. Stéphane Marie a, depuis, compris les vertus du café : germinatif, fortifiant pour les racines et répulsif pour certaines mouches. Au moment des semis de légumes, n’hésitez pas : mélangez-les avec du marc de café !

- 3. Planter le physalis

On le nomme aussi « amour en cage », « groseille du Cap », « cerise de terre » ou « coqueret du Pérou ». Ce petit fruit, qu’on trouve à prix d’or chez les primeurs, est enfermé dans une ravissante et fragile petite coque qui fait penser à une lanterne en papier de soie. Stéphane Marie vous le certifie : cette plante, certes exotique, pousse fort bien chez nous. Elle supporte même jusqu’à – 20 °C, à condition d’avoir du soleil. Elle se trouvera donc à son aise sur un balcon plein sud, dans un pot contenant un tiers de sable, un tiers de terreau et un tiers de compost pour lui rappeler les terres arides qu’elle affectionne.

Le site de Silence, ça pousse !