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BNP Paribas compose avec le changement climatique
jeudi, 24 avril 2014 / Amélie Mougey

BNP Paribas finance des recherches sur le changement climatique… et investit dans le charbon. Décryptage.

Bien au chaud sur votre compte épargne, vos deniers fructifient sans même que vous y songiez. Et si, à votre insu, ils dévastaient la planète ? « Sûrement pas ! », rétorqueront les clients de BNP Paribas. Punaisé sur les murs des agences, « L’arbre des écogestes » conseille depuis le début de l’année les 190 000 employés : « Privilégiez les mugs non jetables », « Zippez les pièces jointes avant envoi par e-mail »,« Prenez l’escalier pour un étage en montée, deux en descente », etc. Cette toquade écologiste remonte à 2010. A l’époque, la fondation BNP Paribas débloque, via un programme baptisé Climate Initiative, 3 millions d’euros pour financer la recherche sur le changement climatique. Trois ans plus tard, la banque cherche la reconnaissance des passants. « Les prévisions climatiques à Marseille dépendent aussi d’une station perdue en Arctique », indiquent les affiches de sa campagne de 2013. En janvier, elle publie même CLIMAT[e], un ouvrage réalisé par GoodPlanet, la fondation de Yann Arthus-Bertrand. « C’est un outil de sensibilisation, indique Thierry Touchais, son directeur général. Il n’est diffusé qu’en interne, aux partenaires et aux clients de BNP. » Car l’ombre du prix Pinocchio, décerné en novembre dernier par Les Amis de la terre, plane sur l’initiative. Depuis que l’ONG a placé BNP Paribas au deuxième rang des beaux parleurs de l’écologie, son département RSE (responsabilité sociale des entreprises) se fait discret.

10,8 milliards dans le charbon

Pour lui couper la chique, les ONG n’ont eu qu’un mot à dire : « charbon ». Selon les derniers chiffres transmis à Terra eco par le réseau citoyen spécialisé BankTrack, sur la période 2005-2014, BNP Paribas a investi 10,8 milliards dans son exploitation. Ce secteur a beau produire 30 % des gaz à effet de serre mondiaux, il est en pleine croissance : 1 200 centrales à charbon sont en projet dans 58 pays, selon le World Resources Institute. Les investisseurs sont enthousiastes : ces huit dernières années, les placements dans le charbon ont augmenté de près de 400 %. BNP Paribas, le plus gros financeur français, occupe la 7e place mondiale.

Destruction de mangroves

Ce classement, BNP Paribas ne le reconnaît pas. Mais ne le dément pas non plus. « Nous ne commentons pas les travaux des ONG », tranche Pascal Hénisse, chargé des relations presse. Il renvoie à la politique sectorielle « production d’électricité à partir du charbon » adoptée par le groupe, en 2012. Dans cette profession de foi, la banque promet de n’investir que dans les installations respectant les règles locales et internationales et dotées d’installations de captage et stockage du CO2. « Ce texte a le mérite d’exister), reconnaît Yann Louvel, coordinateur de la campagne climat énergie de BankTrack. Ce n’est pas le cas pour la moitié des acteurs du secteur. »

Mais le réseau attend des actes. « Pour l’instant, la banque n’a reculé sur aucun projet. » En Turquie, la future centrale de Tufanbeyli peut toujours compter sur BNP Paribas. Elle est pourtant conçue pour avaler du lignite, le plus climaticide des charbons. La banque n’abandonne pas non plus la gigantesque centrale indienne de Mundra, qui sort de terre au prix de la destruction de mangroves et du déplacement de familles de pêcheurs. Qu’il soit respecté ou non, l’engagement de BNP Paribas présente aussi une grosse lacune : focalisée sur le financement des centrales, la banque fait l’impasse sur l’extraction. Depuis 2005, BNP Paribas aurait pourtant investi 4,5 milliards d’euros dans les mines. Là encore, elle est dans le top 20 des financeurs, quelques places devant le Crédit agricole. Sur ce volet, la banque refuse de s’exprimer.

Côté pile, des millions pour la recherche sur le changement climatique. Côté face, des milliards pour l’exploitation du charbon. BNP Paribas serait-elle schizo-phrène ? La question ne tourmente pas la fondation GoodPlanet, son partenaire depuis des années. (« Nous ne sommes pas naïfs sur les activités, mais l’important, c’est la dynamique », estime Thierry Touchais. De fait, entre les deux derniers classements de BankTrack, la banque a reculé d’une place. Premier signe de vertu ou hasard du marché ? Les ONG attendent toujours des écogestes. —

Le site de BNP Paribas


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