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Pour rendre la monnaie de sa pièce à l’Europe
jeudi, 27 mars 2014 / Simon Barthélémy

Faudra-t-il s’étonner si le Front national et l’abstention sortent victorieux des élections européennes ? « La montée des extrêmes droites un peu partout en Europe est l’évident symptôme » de la négation de toute « souveraineté populaire » par l’Union européenne (UE), répond Frédéric Lordon. Pour l’économiste et philosophe, l’essor du parti grec néonazi Aube dorée est un « reproche vivant fait à l’Europe libérale, supposément justifiée pour que “ plus jamais ça ” et dont tous les actes concourent inexorablement à faire revenir “ ça ” »… La charge est virulente contre le couple franco-allemand, dont les élus, socialistes comme de droite, ont fait de l’UE un « laboratoire du néolibéralisme » (spéciale dédicace à Jacques Delors et Pascal Lamy…), où la politique est déconnectée des suffrages et résulte de dispositifs gravés dans le marbre des traités – indépendance de la Banque centrale européenne, seuils absurdes de déficit (3 % du PIB) et de dette (60 %). Qu’importe si l’austérité génère un taux de chômage dépassant les 25 % en Europe du Sud, voire une baisse de l’espérance de vie… Qu’importe si les peuples disent stop (référendum de 2005)…

L’Europe s’enferre dans ses carcans – voir le renforcement des sanctions prévu par le pacte budgétaire européen. En cause, « l’obsession monétaire » de l’Allemagne, allergique à toute intervention politique pour faire marcher la planche à billets, analyse Frédéric Lordon, esprit brillant peu soupçonnable de germanophobie.

On lui doit notamment D’un retournement l’autre (Seuil, 2013), pièce de théâtre en alexandrins, formidable d’humour et de pédagogie, sur la transformation de la crise des subprimes en crise des dettes souveraines. Des événements dont on paye aujourd’hui la facture : pour sauver les banques, les gouvernements européens ont creusé leurs dettes, de près de 50 % en France à plus de 400 % en Irlande !

Irréformable Union

« Il faut dire que nous ne sommes pas comptables [de ce surplus de dettes]. Et par conséquent que nous ne le paierons pas. » L’économiste évalue toutes les conséquences et les conditions du défaut, à commencer par la sortie de l’euro, préalable à une « monnaie commune », avec ou sans l’Allemagne. Cette « stratégie du choc » sera d’abord nationale, car l’UE est irréformable, juge l’auteur. Plus souverainiste que ses collègues « Economistes atterrés », il récuse l’amalgame avec le FN, dont il démonte les entreprises de récupération idéologique. On peut, selon lui, s’opposer à « la mondialisation des conteneurs sans tourner le dos à toutes les autres manières (…) de s’ouvrir au monde »… Lucide et décapant. —




La Malfaçon, Frédéric Lordon, Les Liens qui libèrent, 304 p., 20,50 euros


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