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« Quantified Self » : cent poids, cent mesures
jeudi, 27 mars 2014
/ Eve Charrin
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Compter chaque pas ou chaque minute de sommeil : grâce à votre smartphone, toute votre vie peut désormais se transformer en courbes. Fascinant ou flippant ?
Vous qui pensiez vivre à peu près sainement, êtes-vous sûr(e) de faire les 10 000 pas quotidiens recommandés par l’Organisation mondiale de la santé ? Combien d’étages au juste grimpez-vous chaque jour ? Pour vous tirer de cette intolérable incertitude et vous aider à prendre de bonnes habitudes, des start-up, comme Fitbit aux Etats-Unis ou Withings en France, ont mis au point de petits capteurs numériques de la taille d’une clé USB qui mesurent ces données phares du bien-être et de la santé. Il vous suffit de glisser la chose dans votre poche, dans un bracelet ad hoc ou de l’accrocher à votre ceinture, et c’est parti : bienvenue dans le monde du « Quantified Self », la « mesure de soi », en VF.
Emmanuel Gadenne ne se contente pas d’enregistrer et de stocker ses données perso : sur le réseau social Fitbit, il les partage et compare ses performances. Directement issu des méthodes du management, ce benchmarking permet, selon Rémy Bourganel, directeur du labo « sociable media » de l’Ecole nationale supérieure des arts décoratifs, « l’échange et l’émulation » entre yuppies high tech et un brin obsessionnels. Cela contribue, explique-t-il, « à pérenniser le business model des fabricants ». En clair, la compétition rend accro !
En France, le mouvement débute, « en très forte croissance », selon Cédric Hutchings, directeur-général de Withings, start-up française qui a levé l’été dernier 23,5 millions d’euros et qui réalise la moitié de son chiffre d’affaires aux Etats-Unis. « Il y a trois ans, explique l’entrepreneur, nos produits visaient une clientèle très ciblée, un peu geek, qui les trouvait dans les Apple Store. Aujourd’hui, en France, ils sont distribués chez Darty et Boulanger. Et demain, j’espère, chez Carrefour, Auchan et autres enseignes de grande distribution. » Olivier Desbiey, de la Cnil (Commission nationale de l’informatique et des libertés), observe que, sur les 26 millions de possesseurs de smartphones recensés dans l’Hexagone, « 10 % à 20 % utilisent déjà une appli santé qui fait appel aux capteurs de leur téléphone, comme Moves ou Tactio », pour mesurer les trajets, les pas effectués… « Et l’Iwatch d’Apple, attendue cette année, convertira sûrement de nouveaux utilisateurs au Quantified Self. » « Demain, ces données pourront être partagées avec le médecin », se réjouit Cédric Hutchings, qui agrège déjà les données collectées auprès des utilisateurs pour le compte d’« acteurs de la santé ». Une manne pour les labos pharmaceutiques, les mutuelles et les chaînes d’équipements sportifs.
Abstraction faite de ce risque, reste un problème de fond : dotés d’instruments de plus en plus perfectionnés, les utilisateurs en viennent à considérer ce qui ne se mesure pas comme quantité négligeable. Quitte, même, à se transformer en gestionnaires tatillons de leur propre vie. D’où cette dernière question : faut-il réduire toutes nos expériences à un flux de données, même sécurisées ? —
Bientôt tous connectés
Entre les baskets interactives de Nike, les balances et les bracelets Fitbit, Withings et RunKeeper, le marché des objets connectés liés à la santé ne cesse de s’étendre : le cabinet Gartner l’estime à 5 milliards de dollars aux Etats-Unis en 2016 (3,6 milliards d’euros). Au total, smartphones compris, l’observatoire Idate dénombrait 15 milliards d’objets connectés en 2013, et en prévoit 80 milliards en 2020. —
Le site de la Commission nationale de l’informatique et des libertés