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Municipales : les candidats rêvent de transformer Paris en ferme
jeudi, 13 mars 2014 / Thibaut Schepman /

Non, nous n’avons pas à « sauver la planète ». Elle s’en sort très bien toute seule. C’est nous qui avons besoin d’elle pour nous en sortir.

Une serre géante, des mini-fermes sur tous les toits ou une grande exploitation sur un réservoir. Avantages, inconvénients… découvrez les projets des candidats UMP, Europe Ecologie - Les Verts et PS à la mairie.

Paris aura ses salsifis et ses radis. Si un point fait consensus chez trois des cinq principaux candidats à la mairie, c’est bien l’agriculture urbaine. Anne Hidalgo (PS), Nathalie Kosciusko-Morizet (UMP) et Christophe Najdovski (EELV) ont tous annoncé vouloir lancer de vastes projets agricoles dans la capitale. Qui propose quoi ? Quel projet a le plus d’avenir ? Terra eco a veillé au grain, avec l’aide de Christine Aubry, ingénieur à l’Inra (Institut national de recherche agronomique) et professeure à AgroParisTech, école qui a installé un potager urbain expérimental sur ses toits depuis 2011.

Le projet : Une ferme de 2,5 hectares doit être installée sur le toit du réservoir d’eau de Montsouris. Elle pourrait nourrir 400 personnes par an.

Est-ce réaliste ? : « Il faudra vérifier plusieurs détails techniques, notamment la nature du substrat que l’on pourra utiliser ou les risques éventuels d’infiltration dans l’eau potable du réservoir », préconise Christine Aubry. Avec sa surface étendue de 2,5 hectares, le projet de l’écologiste ressemble aux exploitations maraîchères installées en ceinture péri-urbaine de Paris et qui travaillent pour des Amap (Association pour le maintien d’une agriculture paysanne). Au niveau économique, il semble donc viable.

Les atouts : Les Amap parisiennes sont saturées, ce projet trouvera forcement preneur. Il est même plus avantageux pour le maraîcher qui travaillera à proximité de ses clients et évitera donc de perdre du temps dans son camion de livraison.

Les inconvénients : Situé à à moins de 500 mètres du périphérique, ce projet risque d’être exposé à la pollution de l’air. Des études montrent en effet que certains légumes produits en ville contiennent des taux importants de métaux lourds. « Effectivement, c’est un sujet à étudier et il faudra mener des recherches probablement avec AirParif. Mais notre expérimentation sur les toits d’AgroParisTech a montré que les niveaux de pollution sont très en-dessous des normes européennes. On se rend compte que les bâtiments sont de très bons isolants. Leur structure reçoit la plupart de la pollution et les toits peuvent être relativement isolés surtout s’ils ne sont pas situés directement devant un axe routier », rassure la chercheuse.

Le conseil pour que le projet réussisse : La surface qui sera cultivée est importante mais n’est pas immense non plus. Il faudra peut-être envisager des partenariats entre cette ferme urbaine et une structure périurbaine pour pouvoir assurer une livraison régulière de légumes.


Le projet : La candidate socialiste envisage de végétaliser 100 hectares de toitures et façades intramuros et d’en consacrer un tiers à la production maraîchère.

Est-ce réaliste ? : Oui, puisqu’on connaît maintenant de nombreux projets de fermes sur les toits qui fonctionnent bien à travers le monde. Et que Paris compte encore peu de toitures végétalisées : 4 hectares seulement dans toute la ville. En revanche, le chiffre de 100 hectares semble ambitieux. Une étude de l’Apur (Atelier parisien d’urbanisme) a effectivement identifié 80 hectares de toits « à fort potentiel de végétalisation », c’est-à-dire plats, stables et facile d’accès. Mais « il faut vérifier à qui appartiennent ces toits, étudier leur portance ou l’accès à l’eau dans les bâtiments pour s’assurer que l’on peut les exploiter », préconise Christine Aubry, qui estime que la réserve de toits réellement disponibles risque d’être inférieure à ce que calcule la socialiste.

Les atouts : En misant sur de multiples sites, ce projet permet de diversifier les types d’agricultures. On peut imaginer de véritables fermes exploitées par des maraîchers sur les toits les plus grands mais aussi de plus petits projets de jardins associatifs sur les surfaces réduites. Ou encore des serres si la portance du bâtiment le permet et même des potagers exploités directement par des restaurants qui pourraient ainsi cuisiner des fruits et légumes rares difficiles d’emploi aujourd’hui car ils supportent mal le transport.

Les inconvénients : A l’inverse, le fait de multiplier les sites de culture a un coût, que l’institut Montaigne a estimé à 115 millions d’euros. Par ailleurs, comme pour le projet de Christophe Najdovski, il faudra étudier de près la pollution de l’air sur les sites cultivés.

Le conseil pour que le projet réussisse : « La question qui se pose le plus souvent est celle du substrat utilisé. Il faut savoir que la filière de la terre végétale est opaque, plusieurs jardins associatifs ont trouvé des cailloux et de la ferraille dans leur substrat ce qui fait penser qu’il contenait au moins en partie de la terre de remblais impropre à la culture », avance Christine Aubry. Celle-ci rapporte qu’AgroParisTech a opté pour l’utilisation d’un déchet : le marc de café qui avait déjà servi à la cultures de pleurotes dans une ferme urbaine.


Le projet : La candidate UMP projette de construire à Bercy-Charenton une serre de trois étages, soit 30 000 mètres carrés de cultures vivrières.

Est-ce réaliste ? : Un projet de cette ampleur au cœur d’une ville, c’est du jamais vu. « C’est le projet qui va demander le plus d’argent et le plus d’investissement en matière de recherche », assure Christine Aubry, qui rappelle par ailleurs qu’un projet similaire initié à Romainville (Seine-Saint-Denis) rencontre de « nombreux problèmes techniques et d’acceptabilité par les habitants ». S’il n’est pas infaisable, ce projet n’est pas pour demain.

Les atouts : Couverte, cette serre ne sera pas exposée à la pollution. Et sera par ailleurs forcément plus productive qu’une culture en plein air. « Dans dix ou quinze ans, on risque de devoir commencer de la production de masse au niveau local. Ce projet a le mérite de poser ces questions dès aujourd’hui », note la spécialiste.

Les inconvénients : Une serre d’une taille aussi grande nécessite des systèmes de gestion de la température très complexes, qui pourraient d’abord engendrer une consommation énergétique très importante. « Une serre aussi grande ne s’envisage qu’avec une culture en hydroponie. Ce genre de système a des contraintes fortes en termes sanitaire et semble incompatible avec les visites du public qui sont prévues », avance également Christine Aubry.

Le conseil pour que le projet réussisse : « Il est prévu que les légumes soient vendus en circuit court, mais il sera nécessaire de faire une solide étude de marché car la plupart des clients des circuits courts souhaitent un contact avec les petits producteurs et sont attirés par une offre de produits qui ne ressemblent pas à ce que l’on trouve au supermarché. Deux choses que ce projet ne pourra pas vraiment offrir », indique l’ingénieure.