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Avec sa « prime vélo », la France répète une histoire belge
jeudi, 6 mars 2014 / Thibaut Schepman /

Non, nous n’avons pas à « sauver la planète ». Elle s’en sort très bien toute seule. C’est nous qui avons besoin d’elle pour nous en sortir.

L’Etat va expérimenter une indemnisation pour les Français se rendant au boulot à vélo. Les cyclistes belges, eux, bénéficient déjà de cette prime.

Vous vous rendez au boulot en métro ? Votre boîte prend en charge une partie de votre abonnement. Vous y allez en voiture ? Vous pouvez vous faire rembourser certains frais kilométriques. Mais si vous choisissez le vélo, vous n’aurez rien.

Cette injustice est peut-être bientôt terminée. Frédéric Cuvillier, le ministre chargé des Transports, a répondu aux demandes des « vélotafeurs » français en annonçant ce mercredi 5 mars l’expérimentation nationale d’une « prime vélo », appelée officiellement « indemnité kilométrique ». « Nous sommes en train d’identifier plusieurs entreprises volontaires pour expérimenter le paiement d’une indemnité aux salariés qui viennent au travail à vélo, à raison de 25 centimes par kilomètre parcouru. Nous demanderons ensuite à l’Ademe (Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie, ndlr) de mesurer l’efficacité du phénomène », explique-t-on au ministère des Transports. Si les résultats sont positifs, une loi pourrait ensuite généraliser la prime à toutes les entreprises volontaires françaises. « Il faudra probablement une incitation pour les entreprises, qui pourra prendre la forme d’une exonération de charges pour l’employeur », précise le ministère.

La prime belge : bien mais peut mieux faire

Le dispositif ressemblerait alors en tous points à ce qui existe en Belgique depuis 1997, même si là-bas, la prime est de 22 centimes par kilomètre parcouru. Outre-Quiévrain, près de 190 000 cyclistes ont reçu 43 millions d’euros à ce titre en 2013. « C’est très simple, il me suffit de remplir chaque mois un fichier pour indiquer combien de kilomètres j’ai parcouru à vélo. Et le système est assez généreux puisque je reçois entre 30 et 50 euros par mois, c’est bien plus que le coût d’entretien de mon vélo », détaille Laurence, employée bruxelloise qui bénéficie de la prime depuis un an. Cette prime a-t-elle incité des Belges à se mettre en selle ? Oui, selon un rapport gouvernemental publié en 2005 : « Lorsqu’il n’existe pas d’indemnité vélo, 73,4% des travailleurs utilisent la voiture [pour aller au travail] et 6,3% le vélo. Lorsqu’il existe une mesure incitative pour les vélos, on constate que l’utilisation de la voiture passe à 65,7% et celle du vélo à 9,5%. » Mais les associations belges ne s’en satisfont pas.

« Puisqu’elle est facultative, cette prime est considérée comme une faveur et non comme un droit. Les employés qui viennent en voiture ont encore en moyenne beaucoup plus d’avantages que ceux qui viennent à vélo, et le montant des exonérations pour les voitures de société est encore bien plus élevé que les exonérations liées à la prime vélo. Nous voudrions donc que la prime devienne obligatoire », milite Aurélie Willems, secrétaire générale de l’association de cyclistes Gracq.

La France pourrait-elle prendre la tête du peloton et envisager de passer directement à une prime obligatoire ? Un rapport publié sur le sujet en novembre 2013 par la Coordination interministérielle pour le développement de l’usage du vélo estimait qu’une telle décision pourrait permettre de doubler le nombre de kilomètres parcourus à vélo par les Français entre leur domicile et leur travail. Elle coûterait 110 millions d’euros d’exonération fiscale, mais pourrait rapporter 572 millions d’euros grâce au bénéfice sanitaire et aux trajets en voiture évités. « Nous savons qu’on est en retard sur la question, et notre plan très ambitieux doit tout faire pour le rattraper. Mais sur cette question d’une prime obligatoire nous n’en sommes pas encore là, nous allons commencer par cette expérimentation », rétorque le ministère. Au risque de se faire à nouveau doubler par nos voisins belges.