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Coton : accrocs de taille dans la fibre mondiale
lundi, 28 septembre 2009
/ Yann Kerveno
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Depuis le début de l’année, le marché mondial du coton a pris des airs de grand western : spéculation des fonds financiers, bataille entre OGM et fibres synthétiques et arrivée du Petit Poucet bio.
Dans l’hémisphère Nord, l’automne sonne le temps du coton. Sous le soleil d’Afrique, dans les plaines américaines ou chinoises, dans les contrées reculées d’Ouzbékistan, c’est l’heure de la récolte. Depuis l’Antiquité et ses premiers plants, la boule blanche a acquis une dimension planétaire. Si bien que ces quelques centimètres de filament incarnent aujourd’hui l’incroyable écart entre pays développés et ceux qui aspirent à l’être. D’un côté, l’Afrique occidentale où des familles partent aux champs ramasser les capsules formées de graines et de fibres. Jour après jour, elles repassent entre les rangs d’arbrisseaux pour collecter les fruits mûrs. De l’autre, les Etats-Unis et le Brésil où règnent les machines. Lorsque 80 % des capsules arrivent à maturité, on asperge les plants d’un produit pour faire tomber les feuilles. Puis les fruits sont happés d’un coup de récolteuse. Le coton ferait vivre environ 100 millions de familles dans le monde.
Deux hémisphères, deux atmosphères, mais un même vent de changement. Culbutant les Etats-Unis, l’Inde a récemment ravi la deuxième place du classement des producteurs, derrière la Chine, indéboulonnable leader mais aussi premier consommateur. Bousculée, la matière l’est aussi sur le terrain de la technologie. La moitié des textiles consommés de par le monde sont en fibres synthétiques. Et dès 2010, les cultures génétiquement modifiées de coton devraient peser pour la moitié de la production mondiale. Malmené, le coton l’est enfin sur les marchés financiers. Malgré un système de régulation protecteur, la petite boule blanche n’échappe pas aux errances spéculatives et subit les batailles infinies autour de la suppression des aides aux planteurs, notamment américains.
Dans le milieu du coton, le commerce reste traditionnel, informel par coutume : un coup de fil ou un mail suffisent pour que des millions de dollars passent d’une main à l’autre. En mars, sous l’effet de la spéculation de fonds financiers, le prix du coton a atteint la barre des 95 cents de dollar la livre. C’était la troisième fois en 150 ans d’existence que ce marché se hissait à de tels sommets. Lâchées par les banques, certaines sociétés de courtage n’ont pu rembourser les achats sur lesquels elles s’étaient engagés. Certaines ont fait faillite, d’autres ont perdu gros. La multinationale Cargill aurait vu s’évanouir un milliard de dollars en quelques heures, témoigne Pierre Texier, du ministère français de l’Agriculture. Mais la confiance entre opérateurs est telle qu’en une semaine, le prix de la livre avait retrouvé un niveau cohérent avec la production, autour de 75 cents de dollar.
D’autres producteurs ont fait un choix radicalement différent : le bio. Une révolution pour cette culture qui est l’une des plus polluantes au monde. Elle consommerait 10 % des pesticides et 25 % des insecticides utilisés. Cette nouvelle filière demande plus de temps de culture, mais bonifie les sols et permet une moindre consommation d’eau. Encouragés par les grands distributeurs mondiaux – Walmart, La Redoute, Levi’s… – qui proposent de plus en plus de vêtements en coton « propre », les producteurs bio ont récolté 145 000 tonnes de fibres en 2008 sur un total mondial de 25 millions. A l’échelle locale, les industriels français du textile cherchent à sécuriser leurs approvisionnements. La région Bretagne finance ainsi pendant trois ans – 525 000 euros investis – la conversion à l’agriculture bio de 5 000 producteurs maliens et burkinabés. Résultat : 1 000 tonnes de coton (fibres et graines) produites en 2008. Voilà comment allier biologique et éthique.
Illustration : Christelle Enault
International Cotton Advisory Committee sur le marché du coton (en anglais)
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