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Voici le poulet du futur, anti coups de chaud !
vendredi, 21 février 2014 / Cécile Cazenave

A l’occasion du Salon de l’agriculture, les poules de demain s’exposent sous les projecteurs. Et sans une goutte de transpiration. Car, c’est justement un axe de recherche de l’Inra : sélectionner des volailles résistantes à la chaleur.

Ç’aurait pu être une réplique d’un film d’Audiard, c’est un constat de l’Institut national de la recherche agronomique : il faut préparer les poulets aux coups de chaud. Et par les temps qui courent, ceux-ci devraient être plus nombreux, plus fréquents, plus violents. On le sait désormais, les événements extrêmes seront les grands invités du changement climatique.

Or, figurez-vous que la volaille ne les supporte pas car elle ne sait pas transpirer. Résultat : quand le thermomètre grimpe, le gallinacé morfle. Au-delà de 25°C, il se sert de sa respiration pour évacuer de la vapeur d’eau. Encore quelques degrés de plus et il passe, pour survivre, de 25 inspirations par minute à 200. Au-delà, l’oiseau est cuit à l’étouffée. Dans l’Allier, il y a deux ans, 11 000 volatiles n’ont pas survécu à 36°C. « C’est du jus à l’intérieur », avait déploré l’éleveuse en désignant son hangar. « De plus, la production avicole s’accroît surtout dans les pays du Sud, explique Anne Collin, ingénieure agronome à l’Unité de recherches avicoles de l’Inra à Tours. Ce sont des pays chauds, possiblement soumis à des augmentations supplémentaires de température, alors que les sélectionneurs d’œufs à couver et de poussins sont dans les pays du Nord. »

La victoire des cous nus et des frisés

Il devenait donc urgent pour tout le monde de préparer coqs, poules, poulets et poussins à affronter la fièvre. Objectif : sélectionner des animaux plus tolérants à la montée du thermomètre, sans réduire leurs performances, c’est-à-dire leur prise de poids et la qualité de leur chair. Première piste, l’adaptation. Les équipes de l’Unité de recherche avicoles (UVA) du Val de Loire ont fait varier la température pendant la période d’incubation des œufs. En augmentant celle-ci de 1,7°C, et en faisant passer l’humidité de l’air ambiant de 56% à 65%, douze heures par jour, entre le 7e et le 16e jour d’incubation, ils ont réussi à produire des poussins plus résistants. « Après éclosion, la température interne des animaux est légèrement plus faible », note Anne Collin. Les chercheurs ont montré que cette manipulation des paramètres d’élevage permettait l’expression de gènes impliqués dans le métabolisme des volailles qui modifient leur seuil de régulation de la température à long terme – enfin, une vie de poulet. En Israël, leurs collègues du Centre Volcani, dépendant du ministère de l’Agriculture, ont, par cette technique, réussi à diviser par deux la mortalité des mâles d’un élevage, plus sensibles que les femelles, ayant subi un coup de chaleur en fin de croissance.

Mais les chercheurs travaillent également sur la sélection. Car toutes les poules ne sont pas égales devant la fournaise. Leurs plumes, héritage direct des géniteurs et bon isolant, peuvent constituer une handicap ou un atout. Le gène « cou nu » et le gène « frisé », responsables d’excentriques livrées, se sont ainsi révélés décisifs contre les ambiances chaudes-bouillantes. « Ce sont des gènes majeurs qui améliorent la capacité de perte de chaleur », note Anne Collin. Bien connus des éleveurs de poulets labelisés, la famille des cous nus peut paraître disgracieuse. Mais, déplumés qu’elles sont, ces volailles ventilent à merveille. Les poules porteuses du gène frisé, elles, semblent tout droit sorties de la machine à laver. Cet aspect ébouriffé leur confère justement une excellente circulation d’air dans les plumes.

La crête chaude qui évacue la chaleur

Enfin, dernier outil utilisé par l’institut de recherche, l’identification des « crêtes chaudes ». L’appendice en effet sert en quelque sorte, tout comme les pattes, de canal d’évacuation. Plus la crête est chaude, plus la capacité de l’animal à évacuer la chaleur est grande. Les scientifiques pensent par ailleurs que cette caractéristique est transmissible à la descendance. En utilisant des caméras thermiques, ils tentent donc de sélectionner les sujets plus robustes. L’imagination frémit quand se dessine la descendance d’un poulet frisé, à cou nu et à crête chaude. Que l’on se rassure, les chercheurs l’assurent, il en faudra des lignées, des croisements et des rejetons pour atteindre le super-poulet qui résiste à tout.