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Pour des citoyens aux papilles affûtées
jeudi, 27 février 2014 / Walter Bouvais /

Cofondateur et directeur de la publication du magazine Terra eco et du quotidien électronique Terraeco.net

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A Terra eco, nous ne nous contentons pas de manger du poisson. Nous le mettons à toutes les sauces, y compris à celle de l’investigation. Il y a quelque temps, surpris par le niveau de fraudes à l’étiquetage constaté sur les poissons en vente aux Etats-Unis, nous avons voulu en avoir le cœur net. Comment les bêtes à écailles sont-elles traitées de ce côté-ci de l’Atlantique ? Ce sont les résultats de plusieurs mois de travail, menés en partenariat avec les ONG Oceana et Bloom, ainsi qu’avec le Muséum national d’histoire naturelle et l’Inserm (Institut national de la santé et de la recherche médicale), que nous vous livrons ici, sur un plateau (1).

Nos conclusions sonnent à la fois comme une bonne et une mauvaise nouvelle. La bonne : loin du taux stratosphérique de fraudes américain – jusqu’à 50 % d’étiquetage frauduleux en Californie –, les 4 % de cas détectés par nos soins – sur 369 échantillons – font de la France un élève plutôt appliqué. Un an après la révélation de présence de viande de cheval dans des plats de lasagnes préparées, les amateurs de poisson peuvent pousser un ouf de soulagement. La mauvaise nouvelle tient, comme souvent, à une forme d’ignorance dans laquelle nous autres, consommateurs lambda, sommes entretenus. Voire, nous complaisons nous-mêmes. Notre enquête le montre : ce sont dans les méandres de notre inconséquence que les fraudeurs se frayent une voie. Or, il en est des poissons comme de tous les aliments transformés : à force d’en avoir délégué la maîtrise à l’industrie, nous finissons par ne plus savoir s’ils poussent dans les champs, rampent à terre ou nagent dans nos rivières. Nous finissons par ne plus rien connaître des conditions écologiques et sociales dans lesquelles ils sont produits, transformés et acheminés jusqu’à nous. Nous comprenons à peine leurs éventuels effets sur notre santé. Pourtant, le choix de nos menus n’est pas neutre. Souvenez-vous du documentaire-choc Le Cauchemar de Darwin : quand l’expansion de la consommation de perche du Nil en Europe entraîne la déstabilisation d’un écosystème économique et social en Afrique.

Excellent fil rouge

Alors, que faire ? Tout simplement soumettre nos restaurateurs et fournisseurs officiels de denrées à la question : d’où vient ce que vous me proposez de manger ? Ensuite, faire de l’éducation, tant à la maison qu’à l’école. Notre alimentation est un excellent fil rouge pour aborder les enjeux qui dessinent notre époque. Et pour faire de nous des citoyens accomplis aux papilles affûtées. —

(1) Nous remercions pour son aide précieuse le laboratoire Spygen, du Bourget-du-Lac (Savoie), qui a traité et analysé nos échantillons.