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Le lin découvre sa fibre industrielle
jeudi, 27 février 2014
/ Alexandra Bogaert
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Grande productrice de petites fleurs bleues, la France compte sortir la plante des placards à torchons. Dans le bâtiment, l’aéronautique et l’automobile, on se frotte les mains.
L’humanité couvre sa nudité grâce à lui depuis trente-huit mille ans. Adopté par les pharaons, popularisé en France par Charlemagne qui obligea les ménages à s’outiller pour le travailler, le lin a un bel avenir devant lui. Car de nouveaux marchés éclosent en tous sens pour la plante et son éphémère floraison bleue. Et l’Hexagone compte bien en profiter. L’essentiel de la production mondiale est en effet concentré sur une ligne côtière allant de la Basse-Normandie aux Pays-Bas. La France cultive 82 % des tiges de l’Union européenne, sur 67 500 hectares. Entre 2002 et 2007, les surfaces consacrées au lin fibre ont doublé. Et le textile n’est pas le seul secteur concerné. « Boeing, Dassault Systèmes, PSA… investissent dans cette fibre naturelle. La demande est en forte hausse depuis 2005 », confirme Julie Pariset, cheffe de projet au pôle technique de la Confédération européenne du lin et du chanvre.
Cette entreprise de 30 employés a rejoint l’un des quatre projets français de recherche et développement sur les composites lin, dans lesquels l’Etat a injecté 64 millions d’euros. « Cela nous permet d’embaucher deux personnes, se félicite Edouard Philippe. Le but, en positionnant le lin sur le marché des composites, est bien de réintégrer l’industrie de sa transformation en France, via de nouvelles activités mobilisant un savoir-faire qui était en train de se perdre. » Car l’essentiel du travail de filature est aujourd’hui effectué à l’étranger, essentiellement en Chine. Ces nouveaux débouchés réjouissent Bertrand Decock, codirecteur à Hondschoote (Nord) d’une usine – de 30 salariés – de teillage, l’action qui sépare les fibres de la tige. « En dix ans, notre activité a plus que doublé et nous sommes prêts à passer à la vitesse supérieure », indique le patron. Encore faut-il que les agriculteurs suivent. « C’est une culture de passionnés qui nécessite une bonne connaissance du sol », explique Laurent Cazenave de la coopérative Terre de lin, qui rassemble 600 des quelque 8 000 exploitations hexagonales productrices de lin.
Mais l’industrie et l’agriculture ne sont pas les seules à surfer sur la petite fleur bleue. Car le lin, c’est aussi « un facteur d’identification pour un territoire », explique Bertrand Decock, qui se targue d’habiter dans le « berceau du lin ». Mais, du Calvados à la Flandre, nombreux sont les « pays » à se revendiquer comme tels pour appâter les touristes. Ici un rallye à vélo est organisé à travers les champs ; là, un festival est consacré à la plante. Et partout, on aménage une maison du lin… et on y intègre une boutique ! Le business de la plante semble au plus haut mais recèle encore quelques angles morts. « Il y a un marché à prendre dans le bio », estime Ludovic Hervieu, agriculteur à Beaumontel (Eure). Converti il y a deux ans, il se frotte les mains : son rendement est le même qu’en conventionnel, mais ses graines se revendent cinq fois plus cher. On ne compte en France que 150 hectares en bio pour 17 producteurs. Une goutte dans l’océan du lin et ses 12 000 emplois directs et 8 000 indirects. L’histoire d’amour entre l’homme et la plante pourrait encore durer trente-huit mille ans. —
La plante à tout faire
Comme les graines et les fibres longues contenues dans la tige du lin, les sous-produits de la plante ont leur utilité. Les fibres dites courtes, les étoupes, servent à l’élaboration de tissus grossiers : torchons, sacs postaux et même papier à cigarettes. La paille (l’enveloppe de la tige), rebaptisée « anas » après broyage, est, quant à elle, exploitée comme litière pour animaux et entre dans la fabrication de panneaux agglomérés, de portes, de cloisons et de toitures. —