https://www.terraeco.net/spip.php?article53830
|
Comment la guérilla potagère s’est enracinée à Todmorden
jeudi, 27 février 2014
/ Amélie Mougey
|
C’est dans cette petite ville d’Angleterre que sont nés les Incroyables comestibles, il y a six ans. Depuis, le goût de cultiver les plates-bandes a essaimé à travers le monde. Et sur place, les idées germent encore !
En rentrant chez lui un soir gris d’automne, Kendal, casquette sur la tête, longe le poste de police de Todmorden. Soudain, le jeune Anglais sort un canif, se penche sous la fenêtre du commissaire. Il coupe une salade et reprend son chemin. La routine. Au milieu des herbes aromatiques et des laitues, la pancarte « Food to share » (« Nourriture à partager ») a disparu. Désormais, les 14 000 habitants de cette bourgade du comté du Yorkshire, dans le nord de l’Angleterre, connaissent la règle : dans les plates-bandes, chacun se sert. Todmorden, ancien bastion de l’industrie textile, est aujourd’hui connu pour être le berceau des « Incredible Edible ».
« Les Incroyables comestibles », en version française, sont nés en 2008. A l’époque, sans rien demander à personne, trois sexagénaires lancent leur guérilla potagère. La trame du complot : repérer le moindre terrain en friche, appâter les volontaires avec des cookies, planter ensemble puis laisser les récoltes à la disposition de tous. Le credo : produire local et partager pour que la ville, asphyxiée par la crise, reprenne confiance en elle. « Notre mot d’ordre aurait dû être ‘‘ Just do it ’’, se souvient Estelle Brown, l’une des fondatrices. Mais on nous a signalé que c’était déjà pris… » Qu’importe le slogan, six ans plus tard, de La Rochelle (Charente-Maritime) à Los Angeles, aux Etats-Unis, l’« abondance partagée » a essaimé dans le monde entier. « On a créé un monstre », susurre la jeune grand-mère, mi-ironique mi-sincère sous son chapeau en cloche.
Chez les autorités, le scepticisme a laissé place à la fierté. « Les Incroyables comestibles ont revitalisé Todmorden, poursuit Robin Tuddenham, les retombées économiques sont évidentes. » Et pourtant, rien n’était gagné d’avance. Au début, les primeurs du marché craignaient une concurrence déloyale. Les jardiniers urbains leur ont coupé l’herbe sous le pied. « On a distribué des tableaux noirs pour qu’ils inscrivent l’origine de leurs produits », précise Estelle. Et la traçabilité a payé. Lors du scandale de la viande de cheval, les ventes des commerces du coin ont doublé. Avec sa boulangerie bio et ses quatre restaurants qui s’approvisionnent localement, Todmorden s’est imposé comme la capitale du manger sain au pays du fish and chips. Côté jardins, l’émulation continue. A l’entrée du village, deux salariés du collectif expérimentent la permaculture, ce mode d’agriculture durable et économe en espace. A l’école, on teste l’aquaponie, la culture de végétaux combinée à l’élevage de poissons. Et l’autosuffisance, c’est pour bientôt ? Jenny sourit avec indulgence : « Tout le monde voudrait y croire, mais soyons lucides, personne n’a envie de ne manger que du chou. » Elle lève les yeux vers un ciel menaçant : « Si on réussit à Todmorden, on peut réussir partout. » —
Le site français des Incroyables comestibles
Le mouvement est présent dans 350 communes françaises