https://www.terraeco.net/spip.php?article5383
Arnaud Gossement : « La voiture propre n’existe pas »
lundi, 28 septembre 2009 / Arnaud Gossement /

Avocat, spécialiste du droit de l’environnement.

Maître de conférences en droit de l’environnement à Sciences-Po Paris, Arnaud Gossement est également porte-parole de France Nature Environnement, qui fédère 3 000 associations.

« La voiture électrique est-elle LA solution miracle au dérèglement climatique ? A en croire les constructeurs, la réponse est oui. Conséquence, ce nouvel engin est partout : au salon de Francfort (Allemagne) et même au cœur du débat sur la taxe carbone. De Ségolène Royal à Alain Juppé, nombreux ont été ceux qui ont dénoncé l’ « écologie punition » que représente la fiscalité verte au profit d’une « écologie plaisir » que symboliserait la voiture sur secteur. Ainsi, la voiture n’est plus un problème d’une économie ivre de pétrole mais la solution. Les choses ne sont malheureusement pas si simples.

Le mythe publicitaire

La « voiture propre » est d’abord un mythe forgé par des publicitaires. Elle pollue aussi. Quelle que soit son énergie, l’automobile représente une masse de déchets en puissance : pneus, plastiques, fluides… Elle suppose des routes et des autoroutes qui fracturent les territoires. Or, l’artificialisation des sols est l’une des principales menaces écologiques de notre pays. Le rapport 2006 de l’Institut français de l’environnement rappelait que 60 000 hectares sont grignotés chaque année par les zones artificielles, surtout au détriment des zones agricoles et naturelles. Quant à l’électricité, elle n’est pas non plus une énergie propre. Le nucléaire constitue une énergie coûteuse, riche en déchets dangereux, et nécessite, de fait, des centrales thermiques en heures de pointe. De plus, qui pense que les constructeurs ne commercialiseront ce véhicule que dans les pays nucléarisés ? Quelle serait la conséquence du développement massif d’un parc automobile dans des pays, comme la Pologne, dont la production de courant repose avant tout sur le charbon, très émetteur de gaz à effet de serre ? Dans ce cas, on ne ferait que remplacer un problème par un autre, peut-être pire.

Bref, électrique ou pas, la voiture génère toujours une violence routière et écologique certaine. Elle sera peut-être un progrès mais sans doute pas une solution miracle. Un changement d’énergie ne constitue pas une réponse au changement climatique. C’est bien un changement de modèle économique qui doit être privilégié. Pour l’heure, la culture de l’industrie automobile est encore celle de la quantité. Or, dans une économie plus verte, il est plus utile de penser à l’usage des choses qu’aux choses elles-mêmes. L’objet n’est plus une fin en soi. Une voiture soi-disant écoconçue et écoconduite n’est pas pour autant écologique. Le vrai progrès réside dans un changement d’usage : autopartage, covoiturage, location… Une politique de la ville qui permet de réduire les distances parcourues entre le domicile et le travail est bien plus prioritaire que la publicité sur la voiture propre.

  La civilisation écomobile

L’engouement pour la voiture électrique n’est pas de la seule responsabilité des industriels. Il pose aussi une question d’ordre culturel à chacun d’entre nous. Certes, certaines personnes ne peuvent se déplacer autrement, mais la voiture exprime aussi des valeurs, un statut social, voire une identité. Résultat, son usage n’est pas toujours rationnel. Accepter de la prendre moins souvent, d’en prendre une moins lourde et pour des trajets moins longs impose un changement de culture et de comportement. C’est peut-être par là qu’il faut commencer pour passer de la civilisation automobile à la civilisation écomobile. »

Photo : Sébastien Godefroy


ARNAUD GOSSEMENT EN 6 DATES

1976 Naissance à Paris

2001 Thèse de doctorat en droit sur « le principe de précaution »

2003 Devient avocat au Barreau de Paris

2005 Porte-parole de France Nature Environnement (FNE), fédération de 3 000 associations

2007 Porte-parole de FNE aux négociations du Grenelle de l’environnement

2009 Maître de conférences en droit de l’environnement à Sciences-Po Paris.


AUTRES IMAGES

JPEG - 39.2 ko
220 x 330 pixels