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Allergies : Bruxelles aura-t-elle la peau des cosmétiques bios ?
mercredi, 19 février 2014 / Alexandra Bogaert

L’Union européenne prévoit un lifting des étiquettes des soins du corps. C’est le secteur des cosmétiques naturels qui risque de faire grise mine... Explications.

Un pschitt de parfum, et une plaque rouge vient gâcher votre décolleté. Un peu de crème sur le corps, et vous sortez vos griffes : les démangeaisons sont trop prononcées pour résister à un bon coup de grattage. On estime qu’entre 1% et 3% de la population en Europe développe une allergie cutanée aux fragrances, ces substances chimiques ou d’origine naturelle présentes dans les parfums des produits de beauté et des soins du corps. Or, « la cosmétique naturelle a plus souvent et de manière plus importante recours aux huiles essentielles, qui contiennent des allergènes, que la conventionnelle », explique Nelly Segur-Fantino, la responsable qualité et affaires pharmaceutiques de la marque bio Weleda.

Pour autant, « les rapports de cosmétovigilance ne mentionnent pas plus de cas d’allergies en cosmétique naturelle et bio qu’on en trouve en conventionnel », défend Betty Santonnat, directrice du développement de Cosmebio, l’association professionnelle de cosmétique écologique et biologique qui rassemble 400 entreprises, 500 marques et 9 200 produits.

Une nouvelle réglementation en 2015

Qu’à cela ne tienne, les cosmétiques naturels sont directement concernés par une nouvelle réglementation européenne, qui vise à renforcer l’étiquetage des substances allergènes, d’ici à 2015. Soumise actuellement à la consultation publique, elle pourrait entraîner pas mal de changements pour le secteur.

Le Comité scientifique européen pour la sécurité des consommateurs a, dans un rapport, proposé de tripler le nombre de substances potentiellement allergènes devant être mentionnées sur les étiquettes des produits de beauté. Sur les 82 substances visées, 28 sont utilisées en cosmétique naturelle.

Revoir les recettes pour réduire les étiquettes ?

Parmi celles-ci, huit sont répertoriées comme étant des matières particulièrement préoccupantes – notamment les très courants parfums de rose ou de citron – pour lesquelles il faut encore définir des limites de concentration sûres.

Les huiles essentielles végétales sont justement la marque de fabrique de Weleda, qui se trouve donc face à un défi : comment faire pour que les futures étiquettes, qui devront mentionner davantage de substances, demeurent lisibles ?

Une solution radicale est envisagée : changer les formules des produits pour diminuer le nombre d’allergènes qu’ils contiennent, et ainsi limiter les mentions sur les emballages. « On a déjà anticipé ce changement de réglementation en développant des gammes de produits spécifiques sans huiles essentielles », poursuit Nelly Segur-Fantino selon qui, jusqu’à 87% des recettes pourraient être revues en interne par les services de R&D, pour un coût pas encore évalué.

Une équation qui aboutit au même résultat pour Olivier Guilbaud, qui dirige Body Nature, société qui fabrique notamment des cosmétiques biologiques en vente à domicile. Il explique que les odeurs de ses produits, conçues par des parfumeurs indépendants, sont de plus en plus sophistiquées. « On n’en est plus à un simple arôme de pêche ou une molécule de rose. Aujourd’hui, on a des odeurs de frais, de vacances, grâce à des compositions aromatiques complexes couvertes par le secret de fabrication. Demander aux parfumeurs à qui on les achète de rechercher le détail de chaque molécule afin que nous le reportions sur les étiquettes, va augmenter le coût de cette matière première », estime-t-il. Il redoute également que la liste étoffée d’ingrédients allergènes fasse peur aux consommateurs. Conséquence : « Ce besoin de faire de la place va mécaniquement nous pousser à revoir la formulation de certains produits pour enlever des molécules », soupire-t-il.

Vers une diminution de l’offre en rayon ?

Toutes les entreprises de cosmétiques naturels risquent de ne pas pouvoir assumer ces surcoûts, estime Laurence Wittner, la fondatrice de l’Observatoire des cosmétiques, portail d’information sur les produits de beauté. « Cela va entraîner un écrémage dans le secteur. Le consommateur ne sera pas forcément perdant car cette réglementation vise à mieux le protéger contre les risques d’allergie ou d’irritation. Or, ce n’est pas parce qu’un cosmétique est naturel ou bio qu’il est nécessairement sécurisant, précise-t-elle. De plus, la possible disparition de certains produits ou certaines marques aura un impact limité en termes d’offre pour lui puisque nombre de produits naturels ont des formules de base assez similaires, car sous-traitées aux mêmes fabricants. C’est l’ajout de miel ou de lavande qui change le produit, mais à la marge. »

Un scénario catastrophe pour le secteur auquel n’adhère pas Cosmebio, l’association professionnelle de cosmétique écologique et biologique qui rassemble 400 entreprises, 500 marques et 9 200 produits. Pour Betty Santonnat, sa directrice du développement, cette nouvelle réglementation – qui sera probablement adoptée – va « uniquement entraîner un changement sur les étiquettes, et donc sur la chaîne industrielle de l’étiquetage ».

Et encore, ce n’est pas sûr, puisque la profession pourrait faire bloc pour agrandir une brèche ouverte par la Commission européenne qui suggère – au sujet d’un allergène de la liste – de renvoyer le consommateur vers un site Internet où il pourrait trouver des informations sur cette substance. Alors, pourquoi ne pas le guider vers un site où il pourra s’informer sur l’ensemble des composants de son produit de beauté ? Encore faudrait-il qu’il en ait la curiosité, et qu’il utilise un smartphone en faisant ses courses...



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