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La canette de Coca-Cola
lundi, 28 septembre 2009 / Louise Allavoine , / Simon Astié

Concentré top secret, eau, gaz carbonique, sucre et boîtes métalliques : voilà les ingrédients de base de la boisson rouge. Malgré les efforts de la compagnie, ses milliards de bulles pèsent lourd sur la planète.

Sur le parterre de l’entrée, le logo rouge et blanc s’affiche en caractères XXL. Nous ne sommes pas à Atlanta, berceau américain de la multinationale Coca-Cola devenue icône de la mondialisation, mais à Socx, près de Dunkerque (Nord). Ici, 1,73 milliard de litres de boissons de la marque (Coca-Cola, Fanta, Sprite…) ont été embouteillés, puis vendus dans l’Hexagone en 2008. Car « 95 % des produits commercialisés en France sont fabriqués en France », vante Arnaud Rolland, responsable du développement durable de Coca-Cola Entreprise. De cette usine, l’une des plus importantes de la marque en Europe, sortent 5 millions de canettes en acier par jour. C’est Ball Packaging qui fournit les boîtes vides : elles sont fabriquées pour les trois quarts dans son usine voisine, près de Dunkerque. Les canettes en alu, elles, sont embouteillées aux Pennes-Mirabeau, près de Marseille… après que les bobines d’aluminium ont traversé la moitié de la planète. En effet, l’alumine, leur matière première, s’extrait de gisements de bauxite, à 75 % australiens.

Une fois reçues, les boîtes s’alignent sur la ligne de production pour y être remplies du précieux liquide. Le procédé est simple. Chaque fabricant sous licence reçoit de la part de la Coca-Cola Company le concentré déjà prêt, à la formule top secrète. Ne reste plus qu’à y ajouter l’eau. Conscient que le principal ingrédient de ses boissons constitue une ressource inestimable, Coca s’est engagé à diminuer la quantité nécessaire pour la fabrication de la boisson mais aussi pour le lavage et le rinçage de la tuyauterie. Ainsi, après une réduction de son ratio d’eau de 11 % en quatre ans, la filiale française est parvenue, en 2008, à utiliser « seulement 1,47 litre pour l’élaboration d’un litre, boisson comprise, ce qui place les usines françaises parmi les meilleurs sites du monde », s’enorgueillit le responsable. L’addition se monte tout de même à 2,5 milliards de litres pour l’ensemble des boissons de la marque produites en France en 2008.

De l’eau dans le gaz

Mais au fait, d’où vient toute cette eau ? « Cela dépend des sites. Pour l’usine de Socx, elle provient du réseau de la ville, comme pour l’ensemble des sites français, sauf Grigny [au sud de Paris], où elle est directement pompée dans une nappe phréatique, avec toutes les autorisations nécessaires bien sûr », répond Arnaud Rolland. L’eau n’affichant pas les mêmes propriétés partout, le goût du Coke varie d’un pays à l’autre. Au Kerala, le cola a même eu une saveur amère. En 2006, les boissons Coca-Cola et PepsiCo ont été interdites dans cet Etat indien. Les géants du soda y étaient accusés d’assécher les nappes phréatiques au détriment des paysans, et leur cola de contenir des résidus de pesticides « bien au-delà des limites considérées sans danger », selon le Centre pour la science et l’environnement. Rebelote cet été en Chine, où la multinationale a été placée sur une liste noire par la Commission pour la réforme et le développement de Pékin. Motif ? Consommation d’or bleu trop importante dans ses usines. Il y a de l’eau dans le gaz du cola.

Retour à Dunkerque. Il manque encore quelques ingrédients avant de pouvoir fixer le couvercle : le gaz carbonique pour les bulles et le sucre pour les calories. Aux Etats-Unis ou au Canada, il s’agit de saccharose de maïs ou de canne. En Europe, il est issu de betteraves, cultivées intensivement. Un litre de Coca classique contient 20 morceaux de sucre. Et même si la multinationale développe des sodas light sans sucre, donc avec édulcorants, le coke rouge représente toujours 70 % de ses ventes en France.

Réfrigérant !

Une fois remplies et scellées, les canettes partent en camions rejoindre les entrepôts d’où sont livrés ses clients. Chez Coca-Cola, 95 % du transport s’effectue par la route. Arnaud Rolland rejette la faute sur la SNCF : « Nous cherchons à maximiser le rail-route, mais nous nous heurtons à des difficultés opérationnelles, le fret n’étant pas assez développé. » Rassurons-nous, une canette parcourt, en moyenne, 240 km « seulement » depuis la chaîne jusqu’aux rayons. Grâce à ses cinq usines aux quatre coins de l’Hexagone (qui en a six mais tant pis), Coca parvient à limiter les bornes. Et « le fret est systématiquement utilisé pour les grands flux, Nord-Sud par exemple », ajoute Arnaud Rolland.

Ca y est, les canettes ont rejoint les supermarchés, les restaurants ou les distributeurs automatiques. Ces derniers ne sont d’ailleurs pas négligeables dans le bilan carbone total de la multinationale. Sur 1,5 million de tonnes équivalent CO2 émises en 2008, deux tiers proviennent des appareils réfrigérants. Ces machines tournent 24 heures sur 24, et les gaz fluorés qu’elles contiennent sont de puissants gaz à effet de serre. « C’est pourquoi nous avons développé des boîtiers régulateurs d’énergie, indique Arnaud Rolland, qui mettent en veille l’appareil en cas de non-utilisation », la nuit par exemple. Selon lui, en France, 15 % des distributeurs seraient déjà équipés. Objectif : 100 % d’ici à 2020.

Côté empreinte écologique des produits, ce sont les emballages qui représentent la bête noire de la compagnie. Qu’ils soient conçus en alu, acier, plastique ou verre, leur impact représente 30 % à 70 % de l’empreinte du produit, à savoir 170 g équivalent CO2 pour une canette de Coca classique fabriquée en Angleterre, soit autant qu’une voiture moyenne parcourant un kilomètre. Mais la boîte a décidé de dégainer la stratégie des 3 R : réduire, réutiliser, recycler. « Nos nouveaux couvercles sont plus légers de 0,28 g », avance le responsable développement durable. Cela n’a l’air de rien, mais à raison de plusieurs millions de canettes produites par jour, l’économie en matières premières devient substantielle.

Premiers bacs à recyclage

Pour le deuxième R, la société a décidé d’utiliser des canettes fabriquées à partir de matériaux recyclés, à hauteur de 50 % pour l’acier et de 55 % pour l’alu. Lesquels sont directement issus des chutes de l’industrie ou du tri des ménages. Ces métaux possèdent la qualité incomparable d’être recyclables à l’infini. D’ailleurs, question recyclage, Coca sort la grosse artillerie. La filiale française s’est lancée dans la mise en place de collecteurs de tri sélectifs avec ses partenaires – parcs de loisirs, collectivités locales ou restaurateurs. Les premiers bacs devraient voir le jour dans le restaurant Autogrill du Carrousel du Louvre ce mois-ci. Le logo rouge et blanc prétend se redessiner en vert.

SUCRER L’ASPARTAME ?

Les boissons light de la multinationale connaissent un gros succès. Mais l’aspartame, l’édulcorant de synthèse qui remplace le sucre, serait un agent cancérigène, selon la Fondation européenne d’oncologie et de sciences environnementales Ramazzini de Bologne : il est « capable de provoquer des lymphomes et des leucémies chez les rongeurs femelles [1 800 rats testés] ». « Cette équipe a constaté aussi un doublement de tumeurs sur des rats exposés en période de gestation », explique André Cicollela, chercheur en santé environnementale. Coca doit-il donc « sucrer » son aspartame ? « Sans aucun doute », tranche le toxicologue. Ce n’est pas au programme, coupe court la multinationale : « Nous travaillons sur de nouveaux édulcorants, mais l’aspartame restera le principal. Sur 200 études, la majorité conclut qu’il n’y a pas de lien avec le développement de cancers. »

Illustration : Simon Astié

- La politique environnementale de Coca-Cola


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