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OGM : Avis de tempête entre l’Europe et la France sur le maïs
vendredi, 14 février 2014 / Cécile Cazenave

L’Europe va autoriser un nouveau maïs transgénique, la France prépare une loi anti-OGM. Ça chauffe dans les champs. Pourquoi ? Explications en trois points.

Mis à jour le 18 février 2014 : La première bataille anti-OGM du gouvernement français a fait long feu. Lundi 17 février, la proposition de loi socialiste, émanant du sénateur Alain Fauconnier, ayant pour objectif d’interdire la culture de maïs OGM en France, a été rejetée par le Sénat. Celui-ci a en effet adopté une motion d’irrecevabilité déposée par l’UMP. Une courte majorité a été atteinte grâce au soutien du groupe Rassemblement démocratique et social européen (RDSE), composé majoritairement de radicaux de gauche. Le gouvernement qui voulait faire passer cette loi avant les semis de printemps va donc devoir changer son fusil d’épaule. S’il décide de poursuivre dans la voie législative, il faut maintenant d’un député propose une loi similaire.

- Pourquoi un maïs OGM va-t-il être autorisé alors qu’une majorité de pays européens sont contre ?

Il s’appelle TC1507 et c’est le petit dernier du groupe américain Pioneer à faire son entrée, fracassante, sur notre continent. La Commission européenne a demandé une autorisation de mise sur le marché pour ce maïs OGM. Le Parlement européen s’est prononcé contre, mais à titre consultatif. Car, dans la procédure utilisée, ce sont les gouvernements qui ont le dernier mot. Et mardi 11 février, les Etats membres de l’Union européenne, réunis en Conseil des ministres des Affaires européennes, n’ont pas réussi à prendre une décision ! En effet, il fallait, pour l’autoriser ou non, atteindre une majorité dite « qualifiée », car la voix de chaque Etat est pondérée en fonction du nombre d’habitants. Cinq pays ont voté pour. Quatre, dont l’Allemagne, se sont abstenus. Et 19 pays, dont la France, ont fait part de leur opposition à l’autorisation du TC1507 : une opposition massive inédite. Il a pourtant manqué 50 voix pour atteindre la fameuse « majorité qualifiée » et rejeter l’autorisation. Dans ce cas, la Commission récupère son dossier et doit l’autoriser. C’est le règlement.

- Le TC1507 va-t-il être semé dans nos champs au printemps ?

Non, le TC1507 n’est pas encore planté. D’abord, une autorisation de la Commission, ça peut prendre du temps. Le même scénario que celui de mardi dernier s’était déroulé en juillet 2007 pour la pomme de terre transgénique Amflora du groupe allemand BASF. La Commission avait fini par donner son autorisation… en mars 2010. Depuis, le dossier ressemble à une patate chaude. En décembre dernier, le Tribunal de l’Union européenne a même annulé cette décision. Entre temps, Amflora a viré purée : sa culture, échec commercial, a été abandonnée. Ensuite, il existe des dispositifs pour que les Etats puissent interdire une culture OGM sur leur territoire, même si l’Europe l’autorise.

- Pourquoi une proposition de loi interdisant la culture de maïs OGM est-elle en préparation en France ?

Le 4 février dernier, le sénateur socialiste de l’Aveyron Alain Fauconnier a en effet déposé un projet de loi comportant un article unique ayant pour objectif d’interdire la culture de maïs OGM en France. Or, en cultiver est normalement déjà interdit dans notre pays ! Mais les subtilités juridiques européennes n’ont de cesse de faire rebondir ce moratoire. En 2008, la France a, une première fois, utilisé une clause de sauvegarde, prévue par l’Europe, pour empêcher la culture du maïs MON810 du groupe Monsanto. Dans le même temps, Monsanto a dû faire renouveler son autorisation auprès de la Commission européenne, et s’est appuyé pour cela sur un autre texte que le texte initial. Pour échapper à la culture du MON810, la France a alors utilisé une mesure d’urgence, prévue par cet autre règlement. Il faut pour cela prouver que la santé ou l’environnement sont mis en danger par la culture en question. En août dernier, le Conseil d’Etat a suspendu le moratoire hexagonal, estimant que ni l’urgence, ni le danger n’étaient suffisamment prouvés. Du coup, les parlementaires opposés aux OGM réfléchissent à une loi, interdisant le MON810, le TC1507 et tous les autres à venir dans la foulée. Toute la question est de savoir si elle sera adoptée ou non avant les semis de printemps. Le ministre de l’Agriculture Stéphane Le Foll s’y est engagé.


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