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Claire, 30 ans : « Il faut se blinder contre la culpabilité »
vendredi, 31 janvier 2014 / François Meurisse /

Rédacteur en chef édition

Claire a quitté la région parisienne l’été dernier pour s’installer à Toulouse… et ne pas travailler, pendant un moment. Si tout n’est pas rose, elle en profite pour prendre son temps et s’investir dans l’associatif.

Faire une pause, dire stop, s’offrir une parenthèse… Vous en rêvez ? Eux l’ont fait. Et ils témoignent pour « Terra eco ». C’est le sens de cette nouvelle rubrique : « Aujourd’hui, j’arrête ».

Terra eco : Qu’avez-vous arrêté exactement ?

Claire : D’abord, je voulais arrêter de vivre à Paris. Ensuite, je voulais arrêter de travailler de manière si intense. J’y pensais depuis quelques temps, une copine proche avait quitté Paris pour Toulouse. Il y avait une ambiance compliquée à mon travail, il y a eu plusieurs départs… Je me suis dit que c’était le bon moment. J’ai décidé en février-mars, je suis parti chercher un appart en mai et j’ai déménagé au début du mois de juillet. Et je n’ai pas cherché de travail.

Quel a été le premier pas ? La première démarche concrète ?

J’ai d’abord décidé de la ville : Toulouse. Ensuite, j’en ai parlé à ma cheffe et j’ai demandé une rupture conventionnelle.

Aviez-vous un objectif précis ?

Aller voir ailleurs si j’y étais ; me retrouver dans un autre contexte ; mettre un grand coup de pied dans ma propre fourmilière ; démarrer autre chose…

Avez-vous une solution côté finances ?

J’ai vraiment insisté pour avoir une rupture conventionnelle et donc avoir le chômage, pour avoir le temps de me retourner. J’avais quelques sous de côté, mais pas assez.

Avez-vous changé votre façon de vivre pour dépenser moins ?

A Toulouse, la vie est beaucoup moins chère qu’à Paris. Du coup, c’est plus simple. Et puis, j’ai plus de temps pour faire des courses dans des endroits où c’est moins cher. J’ai le temps d’aller au marché et de cuisiner vraiment… Je ne suis pas frustrée côté consommation, car je n’ai jamais été très dépensière.

Avez-vous une date limite pour cette pause ?

Je m’étais donné un an. Mais parfois, je me dis que je reprendrai peut-être un boulot avant. Pour le moment, je m’investis dans des projets collectifs, comme bénévole : dans Partageons les jardins !, au Planning familial, dans des collectifs féministes, pour le Festival de ciné latino

Qu’est-ce qui est compliqué ?

Il y a des moments difficiles, où on ressent une certaine culpabilité. On se dit : « Tout le monde bosse, et moi, je me la coule douce ! » Mais c’est pas si facile de se la couler douce ! C’est déstructurant de ne pas avoir d’activité, c’est un peu angoissant de ne pas avoir de rythme. Je me réveille moins tôt, mais pas à 14 heures non plus, plutôt 9 ou 10 heures ! J’ai une vie sociale plus importante le soir… donc je me couche plus tard. Mais le temps passe vite et je n’ai pas assez de temps pour lire, par exemple !

Qu’est-ce qui vous manque de votre ancienne vie ?

Il me manque un réseau de copains. A 30 ans, sans travailler et sans étudier, c’est moins facile, surtout dans un nouveau lieu. Mais là, ça se met en place au bout de six mois.

Par quoi avez-vous été surprise ?

Je ne pensais pas être angoissée à ce point ! C’est assez récent, car au début, je ne savais pas trop à quoi m’attendre, donc je n’étais pas angoissée ! Au début, c’était des vacances. Aujourd’hui, moins.

Avez-vous un conseil pour d’éventuels nouveaux candidats à la pause ?

Il faut se blinder contre la culpabilité. Quand on sort de Pôle emploi, on se sent comme une grosse merde. Ce n’est pas simple à gérer. Les conseillers ne sont pas en mesure d’entendre qu’on fait une pause… Ma conseillère me dit de mentir pour plaire à des employeurs ; moi, je lui mens en disant que je fais des recherches. C’est un jeu hypocrite, car de toute façon, ce n’est pas Pôle emploi qui pourra me trouver un travail.

Quel est votre bilan provisoire de cette pause ?

J’ai une vie quotidienne assez ordinaire, mais j’essaye de prendre le temps. C’est vraiment une expérience. Qu’il faut vivre à un moment donné de sa vie, tant qu’il est encore temps, tant qu’on n’a pas encore de gens qui dépendent de nous.


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