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Restauration : « Je refuse d’appliquer la loi sur le fait maison »
mercredi, 29 janvier 2014 / Thibaut Schepman /

Non, nous n’avons pas à « sauver la planète ». Elle s’en sort très bien toute seule. C’est nous qui avons besoin d’elle pour nous en sortir.

Pour Xavier Denamur, restaurateur parisien, le label « non fait maison », écarté par la loi, serait beaucoup plus intéressant. Il permettrait aux clients de savoir précisément s’ils sont face à un plat industriel, congelé ou déshydraté.

 Mise à jour le 1/07/2014 : Le décret d’application sur l’appellation « fait maison » sera publié dans deux semaines, nous apprend ce lundi le ministère de l’Economie. L’occasion de relire les nombreuses craintes du restaurateur militant Xavier Denamur à ce sujet.

A peine disparue, la voilà revenue. Après l’avoir retirée en première lecture du projet de loi sur la consommation, le Sénat a rétabli ce mardi 28 janvier l’obligation de la mention « fait maison » sur les menus des restaurants. Sauf nouvelle modification, cette mesure pourrait donc entrer en vigueur dans les mois qui viennent. Mais elle laisse sur leur faim plusieurs élus et restaurateurs, dont l’ancien organisateur des « Vrais Etats généraux de la restauration » Xavier Denamur.

Terra eco : Les parlementaires comptent obliger les restaurateurs proposant des plats fait maison à le mentionner sur leur carte. Vous dénoncez cette initiative sur votre blog. Pourquoi ?

Xavier Denamur : Le projet de loi prévoyait initialement deux labels, l’un indiquant les plats « fait maison » l’autre indiquant ceux qui ne le sont pas. Mais ce second label a été écarté. Les parlementaires veulent laisser le plus de choix possible aux restaurateurs, pour ne pas nuire au secteur. Mais ils doivent défendre l’intérêt général, pas le secteur ! On est en train de renoncer à une mesure qui devait permettre aux gens de savoir ce qu’ils mangent quand ils vont au restaurant. Pour moi, si un produit a été congelé, déshydraté, surgelé ou si c’est un plat cuisiné, il faut le dire au consommateur. Dans ces conditions, j’estime que cette loi est inutile et qu’elle n’est pas juste et je peux déjà vous annoncer que je ne l’appliquerai pas.

Des sénateurs estiment qu’il est compliqué de définir ce qu’est un produit « fait à la maison », il y a beaucoup d’« entre-deux ». Comment faire la distinction ?

C’est totalement faux. Il est très facile de préparer une liste d’aliments qui ne seraient pas concernés par cette mention et de la préciser dans un décret d’application. On pourrait mettre dans cette liste les produits que le restaurateur ne peut pas faire lui-même à savoir le fromage, le beurre, les glaces, les viennoiseries, les poissons fumés, les condiments... Concrètement, c’est assez simple. Si un restaurateur fait lui-même sa sauce, il peut l’utiliser pour un plat maison, même si bien sûr les condiments sont industriels. Par contre s’il utilise un fond de sauce industriel, c’est forcément du « non fait maison ». C’est simple, ce n’est pas du tout une usine à gaz.

A votre avis, combien de restaurants pourraient arborer le label « fait à la maison » ?

J’ai fait une petite étude empirique entre 2006 et 2008 et j’avais abouti à une fourchette d’environ 70% de points de vente alimentaires qui proposent de la nourriture industrielle. Ce chiffre comprend tous les gens qui vendent de la nourriture non emballée, y compris par exemple un poissonnier qui va ajouter une brandade de morue industrielle sur son étal. Alain Ducasse parle lui de 90%, certains disent 80%... La vérité c’est que personne ne le sait, et qu’il est urgent que la DGCCRF (Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes, ndlr) fasse une étude sur le sujet.

Si la loi passe, cette minorité de 10%, 20% ou 30% de restaurateurs qui font du « fait maison » pourra arborer un logo. Le consommateur pourrait donc choisir les restaurants qui ont ce logo. Pourquoi alors vouloir y renoncer ainsi qu’à cette opportunité d’informer le consommateur ?

Je ne suis pas du tout d’accord. Un touriste qui cherche un restaurant n’est pas au courant de la législation et sans un logo « non fait maison », il ne sera pas plus informé qu’avant. Si dans une ville, aucun restaurant n’a le logo « fait maison », alors le consommateur de cette ville n’aura pas vu de changement. Et c’est pareil aussi pour les gens qui ne mangent que dans les chaînes comme Buffalo Grill. Ceux-là continueront à manger de la nourriture industrielle et n’en sauront rien. Par contre, les restaurateurs qui font du « fait maison » eux seront contrôlés et pourront être sanctionnés. Faire une loi à moitié, c’est inutile.

Certains restaurateurs ont lancé leur propre label, avec les « Restaurants qui font à manger » ou les « Restaurants de qualité ». Comptez-vous rejoindre ces initiatives ?

Ce sont de bonnes idées mais c’est insuffisant. L’auto-déclaration c’est bien mais ça ne réglera pas le problème. Il faut une loi forte.