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Comment la Russie a fabriqué la neige des JO de Sotchi
mardi, 21 janvier 2014
/ Jeanne Cavelier / Jeanne a voyagé de Saint-Pétersbourg à Irkoutsk, avant de partir vivre à Moscou comme nounou pour enfants de milliardaires. Une expérience enrichissante… qui n’était qu’une parenthèse dans sa vie de journaliste et qu’elle décrit, sous le pseudo de Marie Freyssac, dans un livre socio-anecdotique, Ma vie chez les milliardaires russes (Stock, 2013). Diplômée de l’école de journalisme de Strasbourg, elle a travaillé pour la presse spécialisée, oscillant entre microéconomie et développement durable. Ses plaisirs : partager un verre de vodka piment-miel et flâner dans le parc Gorki. |
Des Jeux olympiques dans une station balnéaire, sous un climat subtropical, il fallait y penser. Pour garantir des JO tout schuss, le comité olympique de Sotchi a donc dû innover, et créer d’immenses réserves de neige dans les montagnes du Caucase.
« Sur la carte, il est difficile de trouver un endroit où la neige ne tomberait jamais, et où les sports d’hiver ne seraient pas populaires. Eh bien, Poutine a trouvé cet endroit et a décidé d’y organiser les Jeux olympiques d’hiver : dans la ville de Sotchi. » C’est ainsi que s’ouvre le rapport (1) de l’opposant russe Boris Nemtsov, ancien vice-Premier ministre, originaire de cette station balnéaire sur les bords de la mer Noire. Lieu de villégiature estival incontournable à l’époque soviétique et encore très prisé - en premier lieu par le pensionnaire du Kremlin - Sotchi exhibe ses palmiers, sur fond de paysages montagneux du Caucase. « Je suis allé skier là-bas il y a six ou sept semaines et je sais que de la vraie neige est garantie », assurait en 2007 le président russe pour défendre sa candidature devant le Comité international olympique, conquis. Quasi-vierge, la région n’abritait pourtant qu’une modeste station de ski fondée dans les années 1990, Krasnaïa Poliana.
Celle-ci a été transformée en énorme complexe, où se dérouleront les épreuves extérieures. L’an dernier, la température sur ce site avoisinait les 8°C du 7 au 23 février, soit la période pendant laquelle doivent se tenir les JO. Une moyenne deux à quatre fois plus élevée que celle des cinq années précédentes. Mais la promesse du président sera tenue, quoi qu’il arrive. Pour éviter la déconvenue des Jeux de Vancouver – la ville n’était pas prête en 2010 à affronter son hiver le plus doux depuis 73 ans - le comité olympique de Sotchi a fait venir des spécialistes de la neige. Parmi eux, le Finlandais Mikko Martikainen a concocté un plan titanesque : créer d’immenses réserves de neige, à l’abri de la chaleur.
Les sept premières réserves de neige auraient coûté 250 millions de roubles (près de 5,5 millions d’euros), selon l’agence de presse Ria Novosti. Ce système se veut beaucoup plus économique et plus écologique que les unités de transformation de l’eau en neige, sortes d’énormes canons à neige, qu’il aurait fallu mettre en place dans des conditions de températures au-dessus de zéro. « Celles-ci consomment énormément d’électricité, indique l’expert. L’usine la plus chère utilise de l’azote liquide pour congeler l’eau, tandis que la grande majorité des systèmes fabriquent, à partir de l’eau, de la glace en flocons. Nous, nous exploitons simplement l’énergie de la nature. » Une seule usine de ce type a été mise en place, près du site de saut à ski et de combiné nordique, au cas où.
Reste à savoir ce qu’il adviendra des stocks inutilisés. « Concentrées sur des petites surfaces, ces collines sont situées sur des pentes tout à fait instables d’un point de vue géologique, s’inquiète Suren Gazaryan, de l’association environnementale locale Veille écologique du Caucase du Nord (EWNC). La fonte facilitera les glissements de terrain et les coulées de boue. » Selon RosNedra, l’agence fédérale de l’utilisation du sous-sol, douze sites ont déjà subis des glissements de terrain, coulées de boue, phénomènes d’érosion ou d’effondrement dus à la préparation des JO.
(1) « Les Jeux d’Hiver dans les subtropiques », mai 2013, coécrit avec Leonid Martynyuk, du mouvement d’opposition Solidarnost