https://www.terraeco.net/spip.php?article53265
|
Explosion de l’asthme : et si la cause était dans nos assiettes ?
lundi, 13 janvier 2014
/ Karine Le Loët / Rédactrice en chef à « Terra eco ». |
Déficit en fibres mais peut-être aussi en certains antioxydants, acides gras ou minéraux… Les chercheurs tentent de trouver le coupable. Une chose est sûre : l’explosion de l’asthme et de l’allergie depuis 40 ou 50 ans est le fruit de la transformation de nos assiettes.
Manger des fruits et légumes pour se protéger de l’asthme ? Quelle drôle d’idée. Pourtant, des chercheurs suisses du Centre hospitalier universitaire du vaudois semble avoir détecté une corrélation entre la consommation de fibres alimentaires fermentées – présentes dans certaines céréales mais aussi dans les légumes et les fruits comme le citron, les oranges, les pommes, les baies, les oignons et l’ail (1) – et la prévalence de l’asthme.
Dans le test des chercheurs, ce sont les souris soumises à un régime alimentaire avec des fibres (4%) qui ont manifesté le moins de signes allergiques. Inversement, les souris qui n’en avaient que très peu boulotté – à hauteur de 0,3% – ont « développé une réaction allergique plus forte en présentant largement plus de mucus dans les poumons », souligne le communiqué de presse.
Que nos changements d’habitudes alimentaires aient pu influencer le taux des maladies allergiques et notamment de l’asthme, c’est aussi la théorie de Graham Devereux, chercheur à l’université d’Aberdeen en Ecosse, qui travaille sur ces questions depuis 1994. « La prévalence de l’asthme a augmenté bien trop vite depuis quarante, cinquante ans pour que cette croissance s’explique par une modification génétique », précise l’universitaire. Dans l’un de ses articles, il souligne aussi – s’appuyant sur les travaux d’autres collègues – que depuis les années 1960, « la quantité de pollution atmosphérique et la proportion de fumeurs dans la population a baissé, tandis que les taux de pollens saisonniers sont restés stables ». Ni la pollution, ni le tabac ni le pollen ne peuvent donc expliquer l’impressionnante explosion d’asthme et d’affections allergiques que montre le schéma ci-dessous :
Prévalence de l’asthme chez des écoliers écossais de 9-12 ans entre 1964 et 1999 à Aberdeen (Ecosse)
Le pourcentage de personnes touchées par l’asthme en 2004. Données : Organisation mondiale de la santé
A partir de là, les hypothèses de chercheurs se succèdent. Certains pointent le déclin des antioxydants dans le régime occidental, d’autres la préférence pour certains acides gras polyinsaturés, d’aucuns encore se penchent sur le cas du sélénium, du magnésium ou sodium. Aujourd’hui, souligne Graham Devereux en mentionnant l’étude suisse, c’est au tour des fibres non fermentables.
« Vous connaissez la parabole des cinq aveugles qui regardent un éléphant ? Il touchent tous une partie différente de l’éléphant et décrivent chacun quelque chose de différent. Là, on a fait la même chose avec le régime alimentaire. On a regardé à chaque fois l’influence d’un élément particulier. Mais c’est l’ensemble du régime occidental qu’il faut sans doute prendre en compte », poursuit Graham Devereux.
L’explication scientifique
Lorsqu’elles parviennent dans l’intestin, les fibres sont fermentées par des bactéries et transformées en acides gras dits « à chaîne courte ». Ceux-là entraînent la génération de cellules dendritiques dans la moelle osseuse, « sorte de sentinelles du système immunitaire chargées de détecter la présence de corps étrangers et de déclencher la réponse adéquate », décrypte Aurélien Trompette, l’un des coauteurs du rapport, par mail. Or, lorsque beaucoup de fibres ont été ingérées, ces cellules sont moins activées et entraînent – face à la présence d’un allergène acarien – une réponse immunitaire moins violente dans les poumons.
(1) Attention, à ne pas les confondre avec les fibres alimentaires non fermentables qui « sont en général celles qui sont mises en avant par les grandes marques alimentaires. Elles sont très importantes pour le transit intestinal mais n’ont que très peu de propriétés immunomodulatrices car non dégradées dans les intestins. Notre étude montre l’importance des fibres fermentables, pas des autres ! », souligne Aurélien Trompette, coauteur du rapport. Voir la distinction entre ces deux sortes de fibres ici.
JPEG - 15.6 ko 305 x 314 pixels |
JPEG - 35.1 ko 555 x 378 pixels |