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Chers climato-sceptiques, le froid américain ne prouve rien
mercredi, 8 janvier 2014 / Karine Le Loët /

Rédactrice en chef à « Terra eco ».

Une vague de froid polaire s’abat sur les Etats-Unis. L’occasion pour certains de remettre en cause le réchauffement de la Terre. Et pourtant…

Ça y est. Ils ont dégainé. Face au froid polaire qui s’abat sur les Etats-Unis depuis quelques jours (- jusqu’à 53°C de température ressentie dans le Montana !), les climato-sceptiques ont ressorti leurs gros sabots. Parmi eux, le milliardaire américain Donald Trump qui signait le 2 janvier un tweet plutôt musclé :

Traduction : « Cette théorie à la con du réchauffement climatique nous coûte cher et doit cesser. Notre planète se gèle, on a des records de froid et nos scientifiques sont pris dans la glace. » A noter aussi, la sortie du parlementaire républicain John Fleming ou du journaliste économique de Fox News Stuart Varney (voir ici).

Une poche de froid qui s’est déplacée

Raté. Le froid polaire qui frappe les Etats-Unis n’est pas la preuve que le réchauffement climatique est une théorie fantaisiste. Non. Celui-là est dû simplement au vortex polaire, « un courant circulaire de vents forts habituellement positionné au-dessus de l’Arctique pendant la saison hivernale », souligne le site du quotidien britannique The Independent. Cette poche a pour effet d’emprisonner de l’air froid au-dessus du pôle. Et il est habituellement maintenu en place par le jet stream, « un courant de vents situés entre 15 000 et 20 000 pieds (4,5 à 6 km, ndlr) au-dessus de la Terre qui sépare l’air froid de l’air chaud et navigue entre des zones de haute et basse pression », souligne – beaux schémas à l’appui – le site du Washington Post

Source : Washington Post

Mais voilà : « La masse d’air froid qui est habituellement posée sur l’Arctique pendant l’hiver de l’hémisphère Nord s’est déplacée, est tombée, a dérivé, changé de centre pour engloutir une partie de la zone tempérée », souligne le scientifique Greg Laden sur son blog. En clair, pas de refroidissement global à déclarer mais un simple déplacement de la poche de froid. « D’ailleurs, il fait relativement chaud dans le pôle Nord en ce moment », poursuit le scientifique. Mais quel mouche a donc piqué le vortex ?

Voilà la situation le 6 janvier à 14h, modélisée sur le site du Centre européen de prévision météorologique à moyen terme

« Il faut reconnaître que ce phénomène n’est pas très bien compris. Il existe plusieurs hypothèses. Le fait que le vortex soit un peu plus faible notamment. En effet, s’il tourne vite, l’air froid est relativement bien confiné au niveau de l’Arctique. Sinon, il s’échappe, et comme c’est le cas actuellement par exemple, “coule” aux Etats-Unis sous la forme d’un méandre », explique David Salas y Melias, chercheur climatologue à Météo France dans les colonnes de L’Express.

Du déjà vu

Pour le Washington Post, il s’agit d’un « événement aléatoire dû à un arrangement hasardeux des systèmes météo. C’est arrivé avant que les humains ne lâchent des milliards de tonnes de dioxyde de carbone dans l’atmosphère et ça arrivera à nouveau. Cette excursion du vortex polaire (dans le nord des Etats-Unis, ndlr) est un événement isolé qui n’affecte directement que 2% du monde. Le changement climatique est mesuré en évaluant des variations à l’échelle d’un continent ou du globe pendant des décennies – pas des événements advenus sur une petite région pendant quelques jours. »

Mais pour d’autres scientifiques, cette descente du vortex vers le sud pourrait être au contraire un symptôme du changement climatique. C’est la théorie notamment de Jennifer Francis, climatologue à l’université Rutgers, citée par le site Grist. Selon elle, si les Etats-Unis « font l’expérience de records de froid c’est parce qu’un jet stream ondulé et rallongé a permis à de l’air froid de voyager plus au sud que d’habitude ». Et d’après les recherches de la scientifique, ce comportement du jet stream est de plus en plus fréquent à cause du réchauffement rapide de l’Arctique.

En clair (voir la vidéo ci-dessus), le mouvement du jet stream et sa trajectoire sont dictés par la différence de température entre l’équateur et le pôle Nord. Si le contraste est moins fort, le jet stream est affaibli : « Cela crée un jet stream qui serpente davantage ou – si vous voulez prendre cette analogie – qui titube comme s’il était ivre », paraphrase Grist. « A mesure que l’Arctique continue de se réchauffer, on peut s’attendre à ce que le jet stream ondule plus largement et plus souvent vers le nord et le sud », assure Jennifer Francis, citée par Grist. Mais tout le monde n’adhère pas à cette théorie, précise le site qui rappelle la querelle des scientifiques sur le sujet disséquée par le Washington Post.


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