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Propos sur le bonheur
jeudi, 19 décembre 2013 / Anne de Malleray

Le Bonheur… Terre promise, de Laurent Hasse, 1 DVD Docks 66, 20 euros.

A plusieurs égards, le projet était risqué. Au creux de l’hiver, Laurent Hasse, jeune réalisateur renversé par une voiture quelques années auparavant, décide de traverser la France à pied, de la frontière espagnole à la mer du Nord. Kilomètre après kilomètre, région après région, il apprivoise son corps en le mettant à l’épreuve de la marche et récolte, par bribes, des propos sur le bonheur. A ceux qui lui ouvrent la porte et l’accueillent, il pose une question abyssale : « Qu’est-ce que c’est, pour vous, le bonheur ? » Ouvriers, paysans, marginaux, moine, banlieusards, personne n’a de réponse toute faite. On doit se recueillir un moment, aller chercher en soi-même avant d’esquisser des pistes. « Se suffire à soi-même », « être ensemble », « avoir des rêves », « regarder par la fenêtre et se ressourcer ».

Les définitions défilent, les paysages hivernaux aussi. Le choix de la saison confère au projet une gravité et une intensité qu’il n’aurait peut-être pas eu au printemps, temps de la renaissance. Si beaucoup disent que le bonheur est intérieur, la force de ce périple est de montrer que ces définitions sont toutes ancrées quelque part. Qu’il s’agisse d’un jeune habitant d’Asnières-sur-Seine (Hauts-de-Seine), attaché à sa « favela » au point de vouloir y faire sa vie, ou d’un couple de néoruraux délibérément retiré dans la campagne corrézienne. Dans la Beauce, cette agricultrice, débordée par l’émotion, pleure le temps des fermes familiales. Par la fenêtre, la plaine morne s’étend à perte de vue, et l’on ne peut s’empêcher de faire le rapprochement avec sa tristesse. Intérieur, le bonheur est aussi une façon d’habiter le monde et de le modeler, réalise-t-on en traversant le pays de part en part. —


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