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Climat : Copenhague et Varsovie n’ont servi à rien, voici une solution
lundi, 9 décembre 2013 / Jean Sireyjol /

Président de l’association citoyenne Taca (Agir pour le climat)

Sortons de l’impasse des objectifs de quotas inaccordables entre les pays en mettant un prix sur la pollution. C’est la solution préconisée par Jean Sireyjol, président de l’association citoyenne Taca.

Jean Sireyjol est président de l’association citoyenne Taca (Agir pour le climat).

Alors que le typhon Haiyan nous a donné un petit aperçu des dévastations que peut causer le dérèglement climatique, les négociateurs du climat à la conférence de Varsovie se contentent d’une déclaration minimaliste pour continuer à essayer de trouver une solution. Visiblement, depuis Copenhague (2009), on est dans l’impasse. Et si on essayait d’en sortir ?

La nouvelle version du rapport du Giec (Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat) nous rappelle 3 points d’accord à partir desquels il s’agit de construire :

• Il ne faut pas dépasser une augmentation de +2°C, on en est déjà à +0,8°C

• Au delà de +2°C on prendrait un grand risque de basculement irrémédiable des équilibres actuels, par exemple une fonte des glaciers polaires entraînant une montée de la mer de plusieurs mètres

• Pour rester sous la barre des +2°C, il faut, entre aujourd’hui et 2050, limiter nos émissions de gaz à effet de serre à 560 milliards de tonnes (au rythme actuel, on consommerait ce quota en quinze ans et on arriverait en 2050 à un chiffre de plus de 1 000 milliards de tonnes, bien au delà du quota compatible avec +2°C).

Le résultat de Kyoto ? Les émissions ont continué d’augmenter

La négociation en cours depuis Copenhague consiste en fait à convaincre les pays industrialisés – et aussi les autres – à s’engager volontairement à ne pas dépasser un quota d’émissions (de gaz à effet de serre) sur la période concernée afin que globalement l’ensemble des nations émettent moins que ces fameuses 560 milliards de tonnes d’ici 2050.

L’engagement de chaque pays sur un quota d’émissions a été utilisé pour le protocole de Kyoto. Ce protocole ne concernait que les pays développés, et quelques-uns dont les Etats-Unis, l’Australie et le Canada n’ont pas voulu y adhérer. Le résultat du protocole de Kyoto, c’est que pendant sa période d’application, les émissions mondiales ont continué d’augmenter, et si on y regarde de plus près, l’essentiel des réductions d’un « bon élève » comme la France proviennent en fait d’une externalisation de ses émissions et ne sont pas de réelles réductions. C’est le cas de toutes les usines qui, depuis 1990, ont quitté la France pour les pays émergents et dont les émissions de CO2 sont désormais comptabilisées dans les pays émergents (Chine très souvent). Est-il besoin de développer pourquoi cette approche ne peut pas marcher ?

Les Etats-Unis ont refusé de signer le protocole de Kyoto car ils refusent de faire des efforts de réduction si tout le monde n’en fait pas. Mais quand on pollue à 10 (les Américains) alors que la cible est 1, comment exiger de ceux qui sont à 0,3 (les Africains) ou 0,8 (les Indiens) des réductions ? Les pays en développement refusent aussi cette approche. C’est évident pour ceux en dessous de la cible, et compréhensible pour tous ceux qui polluent moins qu’un autre : « Que déjà il réduise à mon niveau, et alors ensuite on réduira ensemble... » Comment penser s’en sortir ainsi ? C’est mission impossible, et la litanie des communiqués d’échec des conférences du climat en est une désolante confirmation.

Ne pas se focaliser sur l’objectif mais sur la manière

Et même si, oh miracle, on arrivait à obtenir un accord sur les quotas de gaz à effet de serre auxquels chaque pays s’engagerait, resterait encore à savoir comment chacun va y arriver effectivement. Et là le problème, réduire nos émissions, reste entier. Nous proposons une approche complètement différente, carrément opposée (pour sortir d’une impasse, c’est déjà une bonne direction !). On ne se focalise pas sur l’objectif, on se focalise sur le comment. Comment réduire nos émissions de gaz à effet de serre ? Notre réponse : en les rendant désagréables, et de plus en plus désagréables !

Aujourd’hui ces émissions sont invisibles, inodores et gratuites. On pourrait les rendre visibles en ajoutant un additif dans les carburants qui colorerait nos gaz d’échappement. Imaginez ce brouillard à l’entrée des grandes villes en retour de week-end. Autre idée, ajouter dans le carburant des boules puantes pour rendre ces émissions odorantes. Tout en notant dans un coin qu’il faudrait en parler à Bison futé, nous avons rapidement écarté ces pistes pour approfondir en priorité l’idée de les rendre payantes.

Comment ? En donnant un prix aux méfaits du CO2. Ce « prix carbone » serait collecté mondialement à la source, quand le combustible est mis à disposition dans le circuit économique, sous forme de charbon à la sortie de la mine, sous forme de pétrole ou de gaz à la sortie du puits d’extraction. Ce prix carbone s’ajouterait aux coûts d’extraction et de mise à disposition des combustibles et se retrouverait inclus dans le prix de vente des produits finis en proportion de la quantité de combustible nécessaire à leur élaboration. Finalement c’est donc le consommateur qui paierait ce prix carbone quand il achète des produits finis.

Une redistribution à 100%

Ce prix carbone est donc un signal prix qui progressivement rendrait de plus en plus coûteux les produits et services utilisant le plus de combustibles fossiles. Ce signal prix rendrait rentables des alternatives de produits et services contenant moins de combustibles fossiles. Parmi ces alternatives il y a l’efficacité énergétique, les énergies renouvelables, et aussi un mode de vie plus simple.

Mais pour pouvoir augmenter progressivement ce prix carbone suffisamment pour que, nous, Français, arrivions à diviser par quatre nos émissions, il va falloir s’assurer que tout le monde, et en particulier les plus pauvres, puisse faire face à cette augmentation de prix. C’est pour cette raison qu’il faut absolument une redistribution à 100% de tout ce prix carbone collecté, une redistribution en part égale à chaque être humain.

Avec cette redistribution égale, les pauvres vont recevoir largement plus que ce qu’ils ont à payer en prix carbone pour leur usage modeste, et les riches vont devoir payer pour toute cette pollution au-dessus de la part moyenne, et ça tombe bien car c’est à eux de réduire leurs émissions, ou au moins à payer pour ce qu’ils n’arrivent pas à réduire.

Revenons à la négociation du climat. Sortons de l’impasse des objectifs de quotas inaccordables entre les pays, mettons-nous d’accord sur un moyen effectif de réduction de nos émissions. Mettons un prix sur cette pollution, faisons augmenter régulièrement et autant que nécessaire ce signal prix, et partageons également entre chaque être humain le prix de cette pollution.

Le prix carbone avec 100% redistribution, c’est la solution 3 en 1. L’efficacité du signal prix, la simplicité du prix carbone à la source et la justice d’une part égale pour chaque être humain. Ces trois qualités pour un seul but, réduire nos émissions de gaz à effet de serre et rester sous la barre des +2°C !