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Serge Orru : Un animal sociable à la tête du WWF
lundi, 31 août 2009
/ Marjane Foucault
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/ Laurent Monlaü
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Figure du Grenelle de l’environnement, Serge Orru a bousculé l’identité de son ONG jusqu’ici cantonnée à la défense de la nature. Pour l’amener sur un terrain plus politique, il use – et abuse – de son pragmatisme et de sa tchatche.
Au fond, il pourrait le pondre lui-même ce portrait. « Je crois correspondre aujourd’hui à ce que sera l’écologiste de demain, commence-t-il au téléphone, à peine la rencontre acceptée. Pour créer un monde nouveau, il faut connaître les mécanismes industriels, économiques, culturels et politiques de celui qu’on veut changer. Accepter de travailler tous ensemble. » Tellement accommodant Serge Orru qu’il donne avec enthousiasme des pistes pour l’article qu’on va lui consacrer. « La Corse, très important dans mon parcours, la Corse… » Puis : « J’ai une passion pour les trappeurs. » Plus loin : « Bien sûr, on pourra parler du Festival du vent. »
Reprenons. Serge Orru est, depuis trois ans, le directeur général du WWF France. Un type sympathique, volubile, méditerranéen. « Un homme qui fonctionne à l’affectif, qui a le cœur chaud, parfois le sang chaud, aussi », rapporte Yannick Jadot, l’ex-directeur des programmes de Greenpeace devenu député européen Europe Ecologie. Serge Orru peut piquer des colères mémorables, mais sait aussi s’adapter. Non par indécision. Il a prouvé sa persévérance avec l’opération Halte aux sacs plastique qui s’est conclue par le bannissement desdits emballages dans les supermarchés corses, mouvement qui a ensuite fait tache d’huile dans l’Hexagone.
Non par indécision donc, mais par pur pragmatisme. A l’origine – avec Yannick Jadot – de l’Alliance pour la planète, rassemblement d’organisations écologistes, Serge Orru s’est investi sans faille dans le Grenelle de Nicolas Sarkozy. Le WWF multiplie les partenariats avec les entreprises – Carrefour, Lafuma, Tetrapak… Aujourd’hui, 20 % du budget de l’ONG au panda vient de ces firmes. « C’est un roublard, un malin, un gars qui passe bien et que personne ne peut vraiment détester. Mais le WWF cautionne ainsi les campagnes de com des multinationales et la politique de désinformation du gouvernement », tacle Stéphane Lhomme, de Sortir du nucléaire.
« La contradiction m’insupporte. Je change parfois d’avis, rétorque Serge Orru. Il n’y a pas de honte à ça. » Par exemple, on vient de lui offrir un livre d’Olivier de Kersauson : « Je pensais que c’était un réac. Eh bien finalement, pas du tout ! » Enfant, une image l’a marqué. Il en a tiré une philosophie de vie. 1969 : De Gaulle meurt. Le père de Serge Orru, un coco pur et dur, qui a lutté toute sa vie contre la politique du Général, assiste à l’enterrement. « On peut être antagonistes et rendre tout de même hommage à l’autre. »
A 17 ans, il veut être champion de Formule 1 : « Je croyais au progrès, au génie de l’homme qui allait tout trouver. » A 20 ans, il devient prof de ski dans les Vosges : « J’ai découvert la nature, j’étais un trappeur. » Deux décennies plus tard, passé responsable d’une structure de tourisme social, il est patron de 800 personnes. Puis vient la Corse, où il monte le fameux Festival du vent avec sa femme, Carina. Chaque automne à Calvi, Jacques Higelin côtoie Nicolas Hulot et les scientifiques parlent environnement avec les économistes. On passe sur quelques autres de ses vies (documentariste en Amérique du Sud – il rencontre Castro et Pinochet –, chevalier de la Légion d’honneur, manager de la chanteuse Maurane…) et le WWF, enfin.
« Il a sorti l’ONG d’une position cantonnée à la protection de la nature pour lui donner un élan plus écologiste, politique, estime François Chartier, de Greenpeace France. Serge Orru aime les cercles de pouvoir… Non, ce n’est pas le mot juste. Il aime être là où ça se discute, là où ça se décide. Il adore parler dans les conférences. Ce côté médiatique, presque people, en a bousculé quelques-uns au WWF. Serge est très lyrique, quitte à perdre parfois de vue le fond du sujet. »
Serge Orru, lui, appelle ça « l’intransigeance positive ». Traduction : « Il est nécessaire d’être courtois dans la vie, on ne parle pas de criminels de guerre que je sache ? » L’homme concède une sensibilité de gauche, mais il préférerait être pris en flagrant délit d’indigestion de thon rouge plutôt que de devoir afficher publiquement sa couleur politique : « Vous comprenez, au WWF, je travaille avec des gens de gauche comme de droite. » On lui a proposé de se rapprocher des listes d’Europe Ecologie aux élections européennes. « Ce n’était pas le moment pour lui, il a préféré continuer au WWF », témoigne Yannick Jadot.
Passionné de danse contemporaine, il écoute aussi bien le requiem de Fauré que le groupe britannique Archive : « Sur ce sujet, j’enfonce mes enfants. » Quelques jours après l’entretien, il rappellera : « Je vous ai dit que j’admirais De Gaulle, mais mon homme politique préféré, c’est Mendès-France, hein ! Sinon, je ne vous ai pas dit que René Char était mon idole ? » —
Photo : Laurent Monlaü
1992 Organise le premier Festival du vent de Calvi
1999 Lance la campagne « Halte aux sacs plastique »
1er juillet 2006 Devient directeur général du WWF France
2009 WWF vise, avec dix autres ONG, un million de signatures à « l’Ultimatum climatique », un appel au Président en vue de Copenhague.
Ses gestes verts Il monte ses 5 étages à pied et fait du compost chez lui, en Corse.
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