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Au Japon, l’eau charrie la radioactivité
lundi, 2 décembre 2013
/ Rafaële Brillaud
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La radioactivité n’est pas forcément là où on l’attend. Emportés par les typhons et la fonte des neige, les radionucléides s’accumulent dangereusement au bord des rivières japonaises.
Dans la préfecture de Fukushima, la radioactivité est mouvante. Les césiums radioactifs 134 et 137, les principaux radionucléides qui posent problème plus de deux ans et demi après la catastrophe, s’accumulent dangereusement au bord des rivières des zones les moins touchées par les retombées initiales. Ils sont en effet lessivés par les pluies sur les chaînes de montagnes intérieures, puis emportés par les cours d’eau vers les vallées et, parfois, la mer. On retrouve ainsi des sédiments très fortement contaminés dans des zones qui avaient été relativement épargnées. Les débits de dose annuels dépassent souvent la limite des 20 millisieverts (mSv) fixée par les autorités japonaises et atteignent parfois les 75mSv, révèle une étude signée par des chercheurs français du Laboratoire des sciences du climat et de l’environnement (LSCE, CEA-CNRS-Université de Versailles Saint-Quentin) et une équipe japonaise de l’université de Tsukuba.
Olivier Evrard, chercheur au CEA (Commissariat à l’énergie atomique) et co-signataire de l’étude, fait des relevés dans les rivières de la préfecture de Fukushima depuis novembre 2011. Il revient juste de l’archipel et s’étonne encore des quantités de radioactivité actuellement véhiculées par les rivières. « Nous étudions les dépôts frais, ces particules fines qui se déposent dans le lit des cours d’eau ou sur les bords, car les césiums radioactifs ont la particularité de se fixer fortement aux sédiments. Or, par rapport à la dernière mission réalisée au printemps, les débits de dose ont augmenté quasiment partout. A certains endroits, ils ont même doublé ! » Dans la zone autour de Minamisōma par exemple, ville située près de la côte au nord de la centrale Fukushima Daiichi, les débits de dose des cours d’eau sont parfois aussi élevés que dans certaines zones évacuées en amont.
Il se trouve qu’une bonne part des zones en amont sont en cours de décontamination. Les Japonais s’acharnent à gratter un peu partout les deux à cinq premiers centimètres de sol pour les enfermer dans des grands sacs en plastique dont ils ne savent ensuite que faire. Faut-il en déduire que cette mesure ne suffit pas, car le césium serait descendu plus en profondeur ? Ou encore qu’en mettant les sols à nu, elle ne fait que faciliter l’érosion et donc le transfert des radionucléides ? Pour le moment, ce ne sont que des hypothèses.
L’autre partie du césium véhiculée par les rivières est évacuée vers l’océan Pacifique. C’est déjà là que plus de 80% des rejets de la centrale de Fukushima Daiichi ont échoué en mars 2011, provoquant une pollution sans précédent. Que sont devenus tous ces radionucléides ? Si l’on se fie aux modèles numériques, ils ont été rapidement dispersés grâce au puissant et turbulent courant du Kuroshio, le Gulf Stream du Pacifique. Ainsi dilués, ils ne présenteraient aucun danger direct pour la santé humaine. Les scientifiques ne savent pas néanmoins avec certitude quel trajet ils empruntent.
Toutefois lors d’une présentation en septembre devant l’Agence internationale de l’énergie atomique, Michio Aoyama, de l’Institut japonais de recherche météorologique, a présenté les choses un peu différemment. Il est parti du césium produit par les essais d’armes nucléaires et tombé dans l’océan à l’est de l’archipel. « En le suivant, nous avons appris qu’il avait progressé vers l’est en direction des Etats-Unis et qu’il s’est enfoncé dans les eaux profondes avant d’atteindre le continent nord américain, déclare-t-il dans le quotidien japonais Asahi Shimbun. Il a alors tourné vers le sud et s’est dirigé vers l’océan Indien, le Pacifique sud ou encore est retourné vers… le Japon. » Le césium radioactif de la centrale nippone accidentée suivrait-il le même parcours ? Selon Michio Aoyama, « les enquêtes menées après l’accident de Fukushima ont montré le même phénomène. » Un retour à l’envoyeur qui, même s’il ne présente a priori aucun risque sanitaire, ne manque pas d’ironie.