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« Nouvelle Donne » : un parti qui promet qu’il tiendra ses promesses
vendredi, 29 novembre 2013 / Karine Le Loët /

Rédactrice en chef à « Terra eco ».

Déception des politiques, envie de réformer la finance et de réorganiser le temps de travail, c’est pour toutes ces raisons que l’économiste Olivier Berruyer et la philosophe Dominique Méda se sont engagés au sein du nouveau parti Nouvelle Donne. Interview croisée.

Sur l’échiquier politique français, voici venu un nouveau parti. Nouvelle Donne – c’est son nom – s’est lancé ce jeudi, avec, en étendard, vingt propositions sociales, économiques ou encore écologiques. Le parti a pour ambition de présenter des candidats aux élections européennes de mai 2014 et de faire la nique au PS. Dans ses arcanes, l’économiste Pierre Larrouturou venu du PS, l’auteur-humoriste Bruno Gaccio ou encore l’urgentiste Patrick Pelloux. A côté d’eux encore l’économiste Olivier Berruyer, auteur du blog « Les crises » ou Dominique Méda, philosophe et sociologue, spécialiste du travail. Dans l’effervescence du Café du croissant – ce théâtre de l’assassinat de Jean Jaurès en 1914 qui accueille ce jour-là le lancement du parti, ces deux-là racontent leur tout nouvel engagement.

Terra eco : Pourquoi avez-vous rejoint le mouvement ?

Olivier Berruyer : A cause de François Hollande ! Non, en réalité la déception a commencé avant lui. Cela fait des années qu’on s’indigne. Il était temps de se révolter, mais pacifiquement. Dans son discours du Bourget (en janvier 2012, ndlr)] François Hollande se définissait comme l’adversaire de la finance. Pourtant, il vient de nommer le numéro deux de BNP Paribas (1) à la tête de la Direction du Trésor. On croit rêver. On est sur le point d’entrer dans la deuxième phase d’une crise économique forte et le secteur financier-bancaire est impuissant. Attention, je ne tire pas sur la finance. Banquier, c’est un métier formidable du moment que le banquier fait simplement son métier. Mais aujourd’hui, on a un péril financier et bancaire devant nous. En face, il faut avoir des offres les plus crédibles possibles. On a vu Nicolas Sarkozy à l’œuvre, c’est bon. On a vu Hollande depuis un an, c’est bon aussi. On n’a pas forcément envie de voir Le Pen au pouvoir. Alors il faut autre chose.

Dominique Méda : C’est vrai qu’il ne s’est pas passé grand chose avec le changement de présidence. La finance est une déception, le chômage aussi. Il ne faut pas seulement inverser la courbe du chômage (une promesse de longue date de François Hollande, ndlr), il faut lutter radicalement contre lui. Pour ça, il faut développer un nouveau partage du travail. Ça ne veut pas forcément dire imiter le modèle allemand. En Allemagne, la réduction du temps de travail c’est des hommes qui travaillent à temps complet et des femmes qui ont des mini-jobs sous-payés. Il faut plutôt réduire le temps de travail à trente heures, et imposer cette norme comme quelque chose à quoi tout le monde peut accéder. Que la société s’organise pour que toute la population rentre dans l’emploi.

Olivier Berruyer : D’ailleurs, en Allemagne, l’inclusion des salariés dans les conseils de surveillance des entreprises est plus intéressante que leur réduction du temps de travail mais on n’en entend jamais parler.

Lors de la présentation de Nouvelle donne à la presse, Pierre Larroutourou évoquait le concept de prospérité sans croissance. Cela s’inscrit dans votre programme ?

Dominique Méda : Oui, c’est la théorie de Tim Jackson ! Si la croissance ne revient pas, qu’est-ce qu’on fait ? Vous savez, la croissance ce n’est pas seulement des bienfaits, c’est aussi des maux. Alors il faut trouver d’autres rythmes de croissance, inventer une société post-croissance avec pour enjeu de repenser les modes de production.

Olivier Berruyer : On est dans un monde formidable ! Cela fait 50 ans qu’on a de moins en moins de croissance et qu’on continue à miser dessus. Si vous êtes un thésard et que voulez travailler sur « Comment financer une prospérité sans croissance », vous ne trouverez pas un seul professeur pour encadrer votre thèse. C’est une négation simple de la réalité. Peut-être qu’il y aura davantage de croissance, peut-être qu’il n’y en aura plus. En tout cas, la question se pose. Comment je fais pour faire tourner l’économie sans croissance et en évitant le dérèglement climatique.

Dans votre proposition, vous évoquez l’écologie. Vous évoquez notamment un grand « Plan énergie climat » qui permettrait de financer des travaux de rénovation des logements et permettre aux ménages de faire des économies…

Dominique Méda : L’écologie, c’est absolument central. Nous, on va commencer par prendre au sérieux ce que les experts nous disent. Ensuite, il faudra trouver le moyen de faire des concessions économiques sans que ça retombe sur le nez des salariés. Pour ça, il faut mettre en place un mécanisme hyper puissant.

Remise en cause de la croissance, de la toute-puissance de la finance, préoccupations écologiques, vous n’êtes pas très loin des idées d’un parti comme Europe Ecologie - Les Verts ?

Olivier Berruyer : Cet ersatz du parti socialiste, vous voulez dire ? Le problème c’est que, comme les autres, leur programme n’est jamais mis en application. Nous, on n’aurait jamais voté le budget dans l’état actuel. Notre but n’est pas non plus d’aller chercher trois maroquins et de vendre notre âme pour ça. Il y a de bonnes idées dans ce que disent le PS, EELV, le Front de gauche. Nos idées sont parfois les mêmes, elles ne sont pas révolutionnaires, mais notre objectif c’est de les faire tenir toutes en même temps et de tenir nos promesses.

Dominique Méda : Nos mesures c’est de l’intérêt général et du bon sens mis en pratique. Sur la démocratie, on veut par exemple mettre en place un référendum d’initiative populaire. On veut aussi déprofessionaliser la politique et faire baisser le nombre de mandats possibles. Le PS l’avait promis. Mais si la parole politique n’a plus aucun sens…

Olivier Berruyer : . Moi je m’étonne presque qu’il n’y ait pas plus de violence vis-à-vis des politiques. Non pas que je le souhaite.

Vous dîtes que les autres ne tiennent pas leurs promesses, comment peut-on être sûr que vous tiendrez les vôtres ?

Olivier Berruyer : Déjà le fait qu’on n’arrive pas directement avec des candidats mais avec un programme, c’est un signe. Celui qui pense tous les matins en se rasant depuis qu’il a vingt ans qu’il sera candidat ne devrait pas y aller. Je ne crois pas que Mendès France ou De Gaulle pensaient tout jeune au pouvoir. Alors qu’à peine réélu à mon avis, François Hollande se disait déjà : ‘comment je fais pour me faire réélire en 2017 ?’. Comment garantir que les choses ne se passent pas comme ça ? En mettant en place des garde-fous comme le non cumul des mandats dans le temps. Ça peut permettre d’éviter que quelqu’un rentre à vingt ans comme porte-serviette d’un ministre et qu’à 80 ans, il se dise encore : ’je vais être candidat une dernière fois’.

Mais c’est vrai que c’est difficile. Dix fois, on nous a annoncé qu’on allait faire de la politique autrement, dix fois, on a été déçu. Comment on explique aux gens qu’il faut y croire une onzième fois ? J’espère juste qu’ils ont encore un peu d’espoir.

(1) A l’heure où nous écrivons ces lignes, une rumeur place François Villeroy de Galhau, directeur général délégué de BNP Paribas, au poste de directeur du Trésor.


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