https://www.terraeco.net/spip.php?article5223
|
Maladies à sang chaud
lundi, 31 août 2009
/ Cécile Cazenave
,
/ Steven Burke
|
Les virus et autres bestioles adorent les ambiances sauna. Avec le réchauffement de la planète, ils pourraient muter et prospérer. Les médecins sont sur le qui-vive.
Hôpital de la Timone, à Marseille. Dans son laboratoire, le professeur Didier Raoult a installé deux élevages de tiques de chiens. L’un est maintenu à une température de 25° C, l’autre à 40° C, pendant 24 heures. « Les tiques du premier groupe ne piquent pas l’homme. Celles du second, une fois libérées, se jettent sur nous comme des folles. L’augmentation de la température joue donc un rôle dans leur affinité pour l’homme », analyse le chercheur. Ces bestioles peuvent transmettre la rickettsiose, une maladie infectieuse sévère. Deux micro-épidémies – à Marseille pendant la canicule de 2003, et à Nîmes lors d’un pic de chaleur en avril 2008 – avaient mis la puce à l’oreille de son équipe.
La planète chauffe, nos maladies prospèrent. Est-ce une vue de l’esprit ou bien une inquiétante réalité ? Les expériences du professeur Raoult rappellent que les agents qui affectent notre santé – bactéries, insectes, moisissures, pollen… – sont bel et bien « climato-dépendants ». Et le sujet, après avoir été longtemps ignoré, titille désormais les plus grands spécialistes. En septembre 2008, un rapport de l’Agence européenne de l’environnement, de la Commission européenne et de l’Organisation mondiale de la santé montrait que notre continent, perturbé par des changements climatiques, allait devoir faire face à une série de fléaux plus fréquents et plus intenses.
Tous les maux à venir ne sont donc pas à mettre dans la même bouilloire. Chocs thermiques, allergies ou développement des intoxications alimentaires : sur ces fronts-là, les scientifiques surveillent le thermomètre comme le lait sur le feu. En ce qui concerne les maladies infectieuses et parasitaires, les blouses blanches conservent le microscope braqué sur leurs « vecteurs », c’est-à-dire les moustiques, moucherons, tiques et même rongeurs, extrêmement sensibles aux changements environnementaux. « Savez-vous qu’entre le début du XXe siècle et aujourd’hui, la floraison du chêne en forêt est plus précoce d’un mois ? C’est sans doute également vrai pour l’activité de beaucoup d’insectes : ils disposent de davantage de temps pour construire une dynamique de population. Ils font donc des repas sanguins plus nombreux et ont plus de chance de devenir porteurs de virus et de le transmettre », schématise Renaud Lancelot, chercheur au Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement (Cirad).
L’homme est coordinateur d’Eden (1), un projet de recherche, financé par la Commission européenne, qui rassemble 400 chercheurs de 24 pays et 49 instituts scientifiques. Leur objectif : comprendre les impacts du changement climatique sur la propagation de différentes maladies – leishmaniose, virus West Nile, malaria, fièvre de la vallée du Rift… – dans des écosystèmes européens, de la Méditerranée à la Finlande et du Royaume-Uni jusqu’à la Turquie. Les équipes d’Eden doivent rendre leur copie à la fin de l’année. Mais, d’ores et déjà, les résultats invitent à la prudence. « Tous les scientifiques sont d’accord pour dire que le réchauffement n’est qu’une partie du problème. Il construit le paysage, c’est l’une des pièces du scénario », prévient Renaud Lancelot.
(1) Emerging Diseases in a changing European eNvironment
Illustration : Steven Burke
JPEG - 146.6 ko 330 x 250 pixels |