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C’est la tradition à vos problèmes
jeudi, 21 novembre 2013 / Simon Barthélémy

Le Monde jusqu’à hier, de Jared Diamond. Gallimard, 576 p., 24 euros.

La revanche du mythe du « bon sauvage » ? Un opus de la Manif pour tous sur l’air du « c’était mieux avant » ? Du tout. Auteur des passionnants Effondrement (Gallimard, 2006) et De l’inégalité parmi les sociétés, (Gallimard, 2000), Jared Diamond mène une nouvelle vaste entreprise anthropologique, cette fois-ci en confrontant nos modes de vie modernes à ceux des sociétés « traditionnelles ». L’ambition : présenter de bonnes pratiques en voie d’extinction, issues du « monde jusqu’à hier ».

Sur les six millions d’années d’évolution de l’humanité, celle-ci a en effet vécu la majeure partie de son existence en bandes de chasseurs-cueilleurs, comme les pygmées Mbuti d’Afrique ou les Pirahãs d’Amazonie, deux des 39 peuples étudiés ici par le biologiste et géographe américain. L’agriculture n’est apparue qu’il y a 11 000 ans, les gouvernements étatiques il y a 5 400 ans dans le Croissant fertile, et la planète ne suit que depuis peu l’american way of life.

Mine oubliée

Or ces sociétés traditionnelles, écrit Diamond, « ont produit des milliers de solutions aux problèmes humains, différentes de celles adoptées par nos propres sociétés Weird » (l’acronyme anglais pour “ occidentales, éduquées, industrielles, riches et démocratiques ”, qui signifie également « étrange »). Et cette mine est peu explorée par les psychologues, pour la plupart occidentaux, qui « fondent la plupart de leurs généralisations concernant la nature humaine sur des études portant sur notre mince et atypique section de diversité humaine ». A partir de ses observations en Nouvelle-Guinée et de la littérature scientifique, l’auteur analyse quelques-unes de ces « solutions supérieures aux pratiques normales dans le Premier monde », sans toutefois faire l’impasse sur les problèmes de certaines sociétés traditionnelles, tels que la violence ou l’infanticide. Une partie porte sur la résolution pacifique des conflits par la médiation, davantage développée dans les sociétés traditionnelles, afin de maintenir la cohésion des groupes. Une autre évoque l’éducation des jeunes enfants, avec parmi les traits saillants l’allaitement à la demande, l’autonomie laissée aux petits ou des jeux fondés sur le partage plutôt que sur la compétition.

Bonnes piqûres de rappel

L’intérêt de ce livre – son côté manuel – est aussi sa limite : contrairement à ses prédécesseurs, il ne dégage pas de théorie puissante ni d’idée nouvelle. Il enfonce même quelques portes ouvertes (du moins pour le public européen), par exemple sur l’intérêt du multilinguisme ou la place des grands-parents. On peut aussi regretter l’absence de comparaison sur les systèmes politiques ou sur le respect de l’environnement. Mais il offre quelques bonnes piqûres de rappel : la croissance galopante des maladies non transmissibles (diabète, hypertensions, maladies cardiovasculaires, cancers…), pare exemple, liées notamment aux excès de sucre et de sel, et dont la plupart de l’humanité était jusqu’à hier préservée. —


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