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J’ai testé la « prôvince » sans voiture
jeudi, 21 novembre 2013 / Laure Noualhat /

Journaliste errant dans les sujets environnementaux depuis treize ans. A Libération, mais de plus en plus ailleurs, s’essayant à d’autres modes d’écriture (Arte, France Inter, Terra of course, ...). Il y a deux ans, elle a donné naissance (avec Eric Blanchet) à Bridget Kyoto, un double déjanté qui offre chaque semaine une Minute nécessaire sur Internet.

Le train régional pour retourner gambader à Paris, un peu de covoiturage pour rejoindre le Sud et surtout le vélo pour les trajets et les courses de tous les jours. Non, l’auto ne passera pas par moi. Même perdue dans les vignes bourguignonnes.

« Dis, tu vas acheter quoi comme bagnole ? » Depuis mon déménagement en terres bourguignonnes (Lire Terra eco n° 52, novembre 2013), cette question m’a été posée une bonne vingtaine de fois. Notamment par mes géniteurs, soucieux d’offrir à leur déficiente motorisée de fille une « première voiture » à près de 40 balais. Rangez vos chéquiers, chers parents. De voiture, je n’acquerrai point. En matière de transport, je relève un défi sans commune mesure avec les tests déjà réalisés dans ces pages : vivre à la campagne, sans caisse. Attention, tout est relatif, une ville de 12 000 habitants – Joigny, dans l’Yonne – ce n’est pas exactement ce que l’on nomme la campagne, mais mon cerveau biobio affûté dans le nord de Paris depuis plus de dix-huit ans ne fait guère la différence. La campagne, la vraie, ce n’est pas ça, et il est très difficile d’y couper (à la voiture).

Une voiture qui s’ennuie

Avant de prendre une décision à l’emporte-pièce (ce qui n’est pas mon genre, allons), décortiquons mes habitus de bougeotte : deux allers-retours hebdomadaires à Paris ; des courses ; des visites régionales (tourisme à Auxerre, route des vins, brocantes du week-end…) ; des transports occasionnels de matériel, meubles ou outils. Et c’est tout. Alors chacun saisit-il l’inutilité d’une guimbarde dans ma vie ? Si elle y entrait, elle s’ennuierait 92 % du temps selon la moyenne calculée par l’Institut pour la ville en mouvement.

Un train qui ravit

Encore une fois, merci à la SNCF qui, de conserve avec le Conseil régional, a mis en place des trains toutes les heures pour rejoindre Paris et inversement. Sur la ligne, pas moins de 37 000 voyageurs empruntent chaque jour ces TER flambant neufs et astucieusement dotés de wagons accueillant les vélos. Quel bonheur, quelle joie d’embarquer José junior (JJ, mon vélo) à bord et de pédaler, depuis la gare de Bercy, n’importe où dans Paris ! Certes, le Conseil régional a dû sortir son chéquier, environ 146 millions d’euros en 2012, mais c’est ainsi qu’on apprécie ce beau pays jacobin qu’est la France.

L’auto-partage qui sourit

Le Jovinien n’a pas l’air encore au jus que cela existe. Sur Buzzcar.com, seul Greggory S. loue son Audi 4S de 1999 24 euros par jour. Il abuse un peu Greg, mais bon, on ne sait jamais, ça peut dépanner. Sinon, pour 10 euros, pas loin de chez moi, Livop.fr propose un Trafic à neuf places, pour quand j’aurai adopté tout le Sahel, pour seulement 10 euros par jour. En attendant, je profite aussi de l’incroyable réseau de Blablacar.fr, premier site de covoiturage en Europe avec 500 000 inscrits. Grâce à un valeureux qui ralliait Nancy (Meurthe-et-Moselle) à Bayonne (Pyrénées-Atlantiques), j’ai pu me rendre à Toulouse animer une conférence sur l’énergie et faire ma maligne du genre « moi-j’ai-pas-pris-l’avion-euh ».

Les petits trajets de la vie

La commune organise des collectes de déchets électroniques. Pour 15 euros, un agent de la ville vient récupérer votre vieille machine à laver pour la déposer à la déchetterie. Quant aux branches et aux feuilles de mon tilleul – qu’il a bien fallu élaguer une fois l’automne arrivé –, il faut emporter soi-même son tas à la déchetterie. Heureusement qu’un voisin doté d’une carriole faisait le même trajet avec ses branches de figuier. Le bac à compost, lui, m’a été livré at home par la formatrice compost. Trop mignon. Pour les brocantes ou les trajets locaux, rien de mieux que la voiture prêtée par des amis peu regardants. Mais ce que je préfère, c’est encore les chambres à air de mon JJ. Pour les courses, le vélo et ses sacoches sont parfaits au quotidien. Reste à considérer avec sérieux l’achat d’une remorque adaptée. Moyennant 300 à 400 euros, des systèmes performants et solides permettent de véhiculer une seconde maison à la force du mollet. Seul hic, le relief de ma ville. Avec des dénivelés de 180 mètres, je me sculpte des mollets de melon.

Je note au passage la grande civilité de l’automobiliste jovinien – et provincial en général – qui anticipe la traversée des piétons, freine devant le moindre passage, ne s’énerve jamais… A Paris, conducteur, cycliste et piéton restent trois féroces concurrents de la voirie qui « s’encuuulent » abondamment. —


L’agglo sans mon auto

Cet automne, à Cergy-Pontoise (Val-d’Oise), quatre habitants ont laissé leur voiture au garage durant trois semaines. Mais comme on n’attire pas les mouches avec du vinaigre, il a bien fallu leur offrir une brassée de carottes à nos ânes de l’auto : un pass Navigo, une carte de stationnement gratuit dans tous les parkings, mais également des vélos traditionnels ou électriques. Ces volontaires se sont remis à la voiture le 19 octobre. C’était l’opération « L’agglo sans mon auto », et on ne peut que vivement encourager la mairie à le faire toute l’année, avec tous ses administrés ! —

Et vous, parvenez-vous à laisser votre auto au garage – ou carrément chez le concessionnaire – alors que vous vivez à la campagne ? Comment organisez-vous vos déplacements ? Dites-nous tout sur votre blog : www.terraeco.net/blogs