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Climat : ce que vous devez savoir sur le sommet en cours à Varsovie
mardi, 12 novembre 2013 / Béatrice Héraud

Vous n’en avez pas entendu parler ? Et pourtant, une nouvelle conférence internationale sur le climat s’est ouvert à Varsovie ce lundi. Les enjeux, les débats, les pays en présence. On vous résume.

A quoi ça va servir ?

Varsovie est ce que l’on appelle une COP (Conférence des parties) d’étape. Les négociations y seront très techniques. Il s’agit de mettre sur pied les conditions d’un accord attendu en 2015, très probablement à Paris (le lieu sera définitivement validé à Varsovie). Mais il va falloir mettre un coup d’accélérateur car la précédente conférence à Doha n’a pas vraiment fait avancer les choses, notamment sur la question du financement (voir l’interview du chef des négociateurs français, Paul Watkinson, publié sur Novethic).

Selon les observateurs, les conférences préparatoires à Varsovie se sont révélées constructives mais il faut maintenant avancer sur la méthode, le calendrier et les points techniques qui serviront de base au texte préparatoire à l’accord sur le climat, avec des offres crédibles d’engagements nationaux sur la table. Les Etats ont à disposition le premier volet du 5ème rapport du Giec (Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat) qui tire une fois de plus le signal d’alarme ainsi que le rapport du PNUE (Programme des Nations unies sur l’environnement) qui estime l’écart entre les derniers engagements des gouvernements et ceux nécessaires à une limitation de la hausse des températures à 2°C, entre 12 et 20 gigatonnes de CO2 d’ici à 2020. Or, la teneur de l’atmosphère en gaz à effet de serre a atteint un record inégalé en 2012.

De quoi va-t-on parler ?

Les participants vont d’abord parler de financement. Il s’agit d’avancer sur la clarification et la cohérence de la finance climat et de lever le blocage sur les financements de long terme. Une « session ministérielle de haut niveau » est prévue spécifiquement sur les questions financières. Il pourrait en sortir des annonces, notamment sur le fonds vert initié à Copenhague et qui doit conduire les pays les plus avancés à transférer des fonds (à hauteur de 100 milliards de dollars - 75 milliards d’euros - d’ici 2020) vers les pays les plus vulnérables au changement climatique. On attend aussi des annonces des principaux pays donateurs.

Les négociateurs vont ensuite évoquer les mécanismes techniques. Il s’agira d’avancer sur la définition des engagements nationaux en termes de réduction d’émissions de gaz à effet de serre (seront-ils absolus, relatifs, sectoriels... ?), mais aussi sur les mécanismes techniques d’atténuation et d’adaptation ainsi que sur le traitement des pertes et dommages liés au changement climatique. Il s’agit là d’une très forte demande des pays en développement. Le manque de volontarisme des pays développés – dont on attend notamment des annonces en termes de transferts de technologies – pourrait provoquer un blocage des négociations.

Il sera aussi beaucoup question d’équité. La notion, pourtant essentielle, reste imprécise à ce jour. Or, les pays émergents, Inde en tête, insistent pour que l’accord qui sera discuté leur permette de continuer à se développer. Des négociations très serrées sont donc attendues sur le partage des efforts de réduction d’émissions de gaz à effet de serre entre pays développés, émergents et pays les plus vulnérables, et sur la mise en œuvre de la solidarité internationale (sur un plan financier mais aussi technique).

Qui défend quoi ?

- Etats-Unis/Chine : le duo qui donne le la

Depuis quelques années et particulièrement depuis Copenhague en 2009, le duo a pris le lead dans les négociations climatiques. Et cette fois-ci, les signaux envoyés sont encourageants : les Etats-Unis sont prêts à mettre des chiffres de réduction d’émissions de GES sur la table en 2015 et la Chine a également des objectifs en la matière dans son 13ème plan sur le climat en préparation. Du côté des Etats-Unis, il faut cependant distinguer le volontarisme affiché par le président Obama, dans son discours de Georgetown cet été et plus récemment par la création d’une force opérationnelle destinée à conseiller le gouvernement sur les effets du changement climatique qui fait face au blocage systématique du Congrès sur toute avancée législative dans ce domaine. Pour l’instant, le Président privilégie la voie règlementaire pour agir au niveau national mais l’aval du Congrès reste nécessaire pour tout accord international…

Côté chinois, on explique aller à Varsovie dans un « esprit d’ouverture » mais à la condition de ne pas être logé à la même enseigne que les pays industrialisés. La Chine défend le principe des « responsabilités communes mais différenciées », selon lequel la responsabilité de la lutte contre le réchauffement planétaire incombe principalement aux pays développés. Toutefois, la grave pollution atmosphérique dont souffre le pays devenu le premier émetteur mondial de gaz à effet de serre, oblige la Chine à repenser son modèle de croissance. C’est ce qu’a déclaré le principal responsable chinois des questions climatiques mais la question majeure reste le niveau auquel la Chine place le curseur en matière de contrôle externe sur le respect de ses engagements…

- Europe : l’arbitre

Comme pour les autres négociations climatiques, l’Union européenne a adopté une position commune qui rappelle la nécessité d’aller vers « un accord unique, ambitieux et juridiquement contraignant applicable à tous » en 2015. Elle a été adoptée le 14 octobre. Il faudra cependant composer avec la Pologne – et le groupe dit de Visegrad qu’elle forme avec la Hongrie, la République tchèque et la Slovaquie – dont les positions sont proches de celles des pays émergents. La France qui doit accueillir la COP 21 en 2015 au Bourget doit aussi prendre position au sein de l’UE et au plan mondial, en essayant de mettre sur pied les (bonnes) alliances qui permettront d’avancer. La France va notamment porter un concept d’« agenda positif », qui lierait les questions climatiques et celles de développement sachant que l’année 2015 sera aussi celle du bilan de la première phase des Objectifs du millénaire (OMD) chargés d’éradiquer la pauvreté.

- BRICS (Brésil, Russie, Inde, Chine et Afrique du Sud) : les trublions

Le front des émergents est de moins en moins uni. La position de pays comme le Brésil ou l’Inde, traditionnellement plutôt réticents aux accords climatiques, reste incertaine. Une étude sortie à la fin du mois d’octobre (Netherlands environmental assessment agency et le centre de recherche commun de la Commission européenne) révèle que les émissions cumulées des gaz à effet de serre des pays en développement depuis 1850 sont en passe de rattraper celles des pays développés, notamment sous l’impulsion de la Chine…

Quels résultats ?

Varsovie est une conférence qui risque certes d’être « ennuyeuse », mais qui reste « très importante », résume assez bien la conseillère sur le changement climatique de l’Iddri (Institut du développement durable et des relations internationales), Teresa Ribera. Les négociateurs optimistes espèrent voir sortir de Varsovie une feuille de route pour que chaque pays puisse mettre en œuvre des engagements nationaux.

Cet article de Béatrice Héraud a été initialement publié sur le site de Novethic, le média expert du développement durable, le 11 novembre 2013.


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