https://www.terraeco.net/spip.php?article51797
Loi sur le logement : 5 idées reçues sur la garantie contre les impayés
vendredi, 25 octobre 2013 / Alexandra Bogaert

Dès 2016, la caution locative sera remplacée par une assurance publique, protégeant les propriétaires contre les impayés. Déresponsabilisation des locataires, loyers tirés vers le bas ou aides aux précaires, décryptage.

Les sénateurs ont fait des heures sup mercredi soir pour débattre de l’article 8 de la loi Alur (Accès au logement et à un urbanisme rénové) qui vise à créer une Garantie universelle des loyers (Gul). La mesure a été votée ce jeudi midi. Elle va toutefois être au cœur des discussions d’un groupe de travail créé ad hoc et censé améliorer le dispositif d’ici à la seconde lecture, afin d’apaiser la droite et les professionnels de l’immobilier.

Quel est l’objectif de la Gul ? Il est triple : rassurer les propriétaires en les protégeant contre le risque d’impayés, favoriser la mise en location d’appartements jusqu’ici vacants et prévenir les expulsions locatives. Le dispositif, qui devrait entrer en vigueur le 1er janvier 2016, est censé concerner les 6,6 millions de logements du parc privé, meublés compris. Le principe est le suivant : le système de caution, discriminatoire car il avantage les locataires ayant des garants aux poches bien remplies, sera remplacé par la Gul. Concrètement, c’est l’Etat qui se portera garant auprès des propriétaires en cas de loyers impayés. C’est lui qui avancera l’argent pour que le bailleur soit rapidement remboursé. Cette mesure doit inciter ceux qui préfèrent laisser des logements vacants, par peur de tomber sur de mauvais payeurs, à les remettre sur le marché locatif. Et en accompagnant rapidement les locataires dès qu’ils font face à une difficulté de paiement, le gouvernement espère éviter des expulsions.

Faut pas rêver... C’est pourtant l’argument principal brandi par les opposants à cette mesure : la Gul déresponsabiliserait les locataires. C’est méconnaître la mesure, qui prévoit évidemment que l’argent avancé par l’Etat pour indemniser rapidement le propriétaire lui soit remboursé par le locataire, quitte à ce que la dette soit échelonnée. Dans ce cas, la Gul examinera du même coup la situation du locataire : si ce dernier fait face à un coup dur ponctuel, un accompagnement sera rapidement mis en place pour échelonner sa dette. Mais si l’impayé est lié à un comportement abusif, l’agence publique qui sera créée au début de l’année 2014 pour mettre en place et gérer la Gul, se retournera contre lui et lancera rapidement des procédures de recouvrement forcé. En tout dernier recours, le Trésor public pourra effectuer des saisies sur salaire, sur les comptes bancaires ou même les allocations familiales.

Estimer que cette mesure déresponsabiliserait les locataires, c’est également oublier un peu vite que les situations d’impayés sont au final peu nombreuses (de 2% à 2,5% de la totalité des loyers) et, dans 70% des cas, liées à un accident de la vie. Ça va mieux en le disant, mais les locataires sont majoritairement des personnes responsables. « On déresponsabiliserait les locataires ? Allons ! Les Français ont de la dignité. La plupart de nos concitoyens veulent payer leur loyer. Quand ils ne le peuvent plus, c’est un drame psychologique pour eux. Rassurez-vous, ce n’est pas parce qu’il y a une assurance qu’ils vont se précipiter pour ne pas payer. L’assurance-maladie n’accroît pas le nombre de malades », a rappelé Alain Néri, sénateur socialiste du Puy-de-Dôme, dans l’hémicycle.

Non. Comme l’a rappelé Cécile Duflot, ministre du Logement, la Gul : « Ce n’est pas la Sécurité sociale. » La Garantie universelle des loyers repose sur une obligation d’assurance publique pour tous les contrats de location du privé, mais uniquement pour ces contrats, qui concernent une grosse moitié des locations. Le financement du dispositif n’est pas encore défini, il faudra attendre pour cela la loi de finances de 2016. L’idée de départ était d’augmenter les loyers de 1,5% environ, une augmentation acquittée à parts égales entre le locataire et le propriétaire. Avec ce système, seuls les occupants de logements privés et leur bailleur devaient payer. Donc les bailleurs sociaux ou les locataires de HLM ne sont pas concernés. Mais, pause fiscale oblige, il est désormais hors de question – pour l’instant – de créer cet impôt déguisé. Il faut donc remettre à plat le mode de financement 100% public de cette Gul.

Et c’est bien cela qui hérisse les assureurs immobiliers, évincés du marché des risques locatifs. A ce jour, les propriétaires qui veulent se prémunir contre les risques d’impayés peuvent contracter une assurance auprès d’assureurs privés. Un juteux marché qui risque de leur échapper à l’avenir. Toutefois, Cécile Duflot a précisé lors du débat au Sénat que « rien n’interdit que la Gul soit complétée par d’autres systèmes d’assurance ». Certes. Mais si l’Etat se porte garant et assure des délais de traitement assez courts (plus besoin de passer devant la justice pour obtenir de son locataire le paiement des loyers), à quoi bon contracter une assurance privée ?

Ce n’est pas sûr du tout. La suppression de la caution n’empêchera pas certains propriétaires de choisir les dossiers des locataires les plus riches, censés être les plus en mesure de payer. Les bailleurs pourraient même être tentés d’augmenter les loyers, afin de filtrer les futurs occupants de leur logement, redoutent des associations d’aide aux mal logés. Mais l’article 3 de la loi Alur, qui établit un encadrement des loyers, a justement pour but d’empêcher des hausses trop conséquentes.

Non. S’il n’y a plus de caution parentale pour les étudiants (qui devront faire valoir leurs propres revenus pour accéder à un logement), et puisque la Gul n’est pas censée concerner les locataires qui consacrent plus de 40% de leurs ressources à leur logement (loyers + charges, hors aides au logement), la question se pose de savoir comment ces populations vont faire pour accéder au locatif privé à l’avenir... Pour eux, la situation pourrait ne pas s’améliorer, voire empirer.

Non. Un fichier sera crée en 2016 pour recenser ceux à qui on aurait proposé un rééchelonnement de leurs dettes, voire un relogement, et qui ne se plieraient pas aux règles. Tout bailleur pourrait interroger la Gul avant de signer le bail, afin de savoir si le nom de son futur locataire figure sur cette liste.