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La ville est à l’écoute
mardi, 24 septembre 2013
/ Alexandra Bogaert
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Réduire la consommation d’énergie, améliorer la qualité de l’air… les raisons ne manquent pas pour rendre nos cités encore plus connectées. Au risque d’empiéter sur la vie privée ?
Mon réveil sonne. Huit heures. La course. D’abord la douche, chauffée aux panneaux solaires de mon immeuble, à énergie positive, s’il vous plaît. Un coup d’œil à ma batterie de compteurs « intelligents ». Ils suivent en temps réel ma consommation d’eau et d’électricité. Joie ! Ma facture a chuté de 15 % depuis qu’on me les a installés. Leurs alertes ont permis de détecter et colmater une fuite d’eau avant qu’elle ne noie mon porte-monnaie.
Tiens, un SMS du service des transports : mon bus ne circule pas ce matin. Des travaux d’incrustation de capteurs électroniques dans la chaussée sont en cours. Objectif : recueillir et diffuser en temps réel des informations sur le trafic. Via la géolocalisation, mon opérateur sait où se trouve mon téléphone, et moi avec lui. Il a automatiquement reconstruit mon trajet habituel à cette heure-ci, et me textote un itinéraire bis. Il m’apprend que les véhicules électriques en autopartage proches de mon domicile ne seront utilisables que dans un quart d’heure. Les électrons de leur batterie ont été pompés tôt ce matin au profit du réseau électrique municipal, pour faire face à un pic de consommation. Ils rechargent. Je bois un café.
Vous souriez ? Ce scénario ne relève pas de la science-fiction. Cette ville hyperconnectée, dite « smart », s’esquisse déjà. Le déploiement tous azimuts des technologies numériques à la maison, dans les transports et dans l’espace public, est perçu en France comme la condition préalable à la ville durable. Les capteurs électroniques reliés en réseaux – appelés smart grids – et le traitement des millions de données publiques et privées qu’ils recueilleront promettent une gestion « optimisée » des ressources énergétiques, des déplacements plus fluides et donc une lutte efficace contre les embouteillages et les rejets de CO2. Sans parler des services rendus aux usagers. Enfin, à ceux qui savent se servir d’un smartphone.
« Restons sur nos gardes. » C’est le message que distille de son côté la Commission nationale de l’informatique et des libertés (Cnil). Elle a publié, en septembre 2013, une réglementation relative aux « smart homes » (la domotique connectée à la maison) et va entamer, avec la FIEEC, une réflexion sur les enjeux des « smart cities ». Sa position est claire : tout ce qui permet de déterminer les habitudes des usagers (chauffage, présence dans le logement, géolocalisation) représente des données à caractère personnel. « Il faut toujours privilégier l’anonymisation totale des données, le plus tôt possible dans la chaîne de collecte, afin qu’on ne puisse pas remonter à l’utilisateur », explique Sophie Nerbonne, directrice adjointe des affaires juridiques. « Mais s’il s’agit de fournir un service individualisé, l’opérateur est autorisé à garder les données de manière nominative. A condition de respecter les droits de l’usager à l’information et à l’opposition », précise-t-elle.
Redonner un peu de poids au citoyen face aux entreprises qui exploitent ses données, c’est l’ambition de la Fondation Internet nouvelle génération (FING) avec le projet Mes Infos. « Nous incitons des entreprises à restituer à leurs clients les données collectées sur eux, par exemple un historique d’achat ou de consommation d’énergie », explique Marine Albarede, chargée de mission à la FING. Vingt-cinq entreprises et 300 volontaires se lancent dans cette expérience dite d’« empowerment numérique ». « Le but est de redonner du pouvoir aux citoyens en leur redonnant de l’information. C’est une autre approche de la ville intelligente qui, si elle est généralisée, permettra de combiner protection des données personnelles et mise en capacité des individus d’agir. » Le début d’un nouveau rapport de force ? Minute ! Pour Dominique Boullier, « seule une minorité de personnes soulèvent un problème d’acceptabilité de l’utilisation de leurs données. Globalement, si le service leur paraît intéressant, les citoyens sont prêts à accepter tout. Et n’importe quoi ». —
Des villes françaises très « smart »
Nice
Le boulevard Victor-Hugo est devenu en juin le premier « boulevard connecté » au monde : 200 capteurs permettent aux automobilistes de consulter en temps réel les places de parking libres. Les réverbères éclairent selon la présence et mesurent la pollution. La collecte des déchets est optimisée en fonction du remplissage des poubelles.
Montpellier
« Ville en alerte » surveille et gère en temps réel le risque hydrologique, via des capteurs placés à des endroits stratégiques. L’Ecocité teste aussi l’utilisation des smartphones pour s’informer sur le trafic, payer les transports ou réserver un véhicule ou un vélo en autopartage.
Bordeaux
La mairie propose des applications pour signaler les incidents observés sur la voie publique (graffiti, trou dans la chaussée, etc.), trouver tous les lieux accessibles aux handicapés et connaître les 26 000 arbres de la ville jusqu’au bout des feuilles : essence, âge, vertus médicinales, etc.
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