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Nucléaire, « taxe carbone » : les annonces de Jean-Marc Ayrault
samedi, 21 septembre 2013 / Thibaut Schepman /

Non, nous n’avons pas à « sauver la planète ». Elle s’en sort très bien toute seule. C’est nous qui avons besoin d’elle pour nous en sortir.

Le Premier ministre a notamment annoncé une nouvelle taxe sur le parc nucléaire français et détaillé les contours de la future fiscalité écologique.

Comme l’année dernière, c’est Jean-Marc Ayrault qui a clos, ce samedi, la Conférence environnementale, après deux jours de tables rondes. Comme l’année dernière, celui-ci a beaucoup insisté sur les ambitions écologiques de son gouvernement, citant même, au passage, l’écologiste René Dumont. Terra eco décrypte les mesures annoncées par le Premier ministre et vous livre les réactions des principaux intéressés.

Les précisions du Premier ministre sur les contours de la future « contribution climat énergie » (CCE) étaient très attendues. Il s’est finalement peu exprimé, sans doute par prudence : rappelons le précédent de la « taxe carbone » du Grenelle de l’Environnement qui, mal ficelée, a été retoquée par le Conseil Constitutionnel. Jean-Marc Ayrault a seulement indiqué qu’« une partie des taxes intérieures de consommation sur les carburants et combustibles fossiles sera calculée en fonction des émissions de CO2 que dégage leur utilisation ». Seront concernées : l’essence, le gazole, le charbon et la houille, le gaz naturel et le fioul. Cette taxe aura un « impact nul en 2014 » et devrait rapporter 2,5 milliards d’euros en 2015 et 4 milliards en 2016.

Comme la taxe carbone, la CCE ne frappera pas les industriels déjà soumis aux quotas européens de CO2. Pourtant c’est bien l’exonération des 1000 sites les plus polluants de France qui avait valu au Conseil constitutionnel de retoquer le projet de taxe carbone fin 2009 au nom de l’inégalité devant l’impôt. Jean-Pierre Clamadieu, président de la Commission développement durable du Medef, ne craint pas de censure du Conseil constitutionnel rappelant que cette fois « on ne crée pas de nouvelle taxe, on part de taxes existantes » et que « les quotas de CO2 sont aujourd’hui payants alors qu’ils étaient gratuits à l’époque du vote de la taxe carbone ».

Jean-Marc Ayrault a également glissé dans son discours une information étonnante et inattendue, à savoir la « mobilisation d’une partie des gains financiers du parc nucléaire existant pendant la durée de vie restante de nos centrales ». A l’issue du discours, beaucoup de participants peinaient à comprendre le fonctionnement de cette contribution. Corinne Lepage, députée européenne (Cap 21), s’avançait : « Notre parc nucléaire est largement rentabilisé, mais cet argent ne sert pas aujourd’hui à préparer l’avenir. Il est investi à l’étranger par EDF. Si j’ai bien compris le Premier ministre, et j’espère que c’est le cas, une partie de cette rente va financer la transition énergétique. » Incapable de chiffrer le montant de cette contribution, elle rappelle toutefois qu’EDF a estimé la perte due à l’arrêt des deux réacteurs de Fessenheim à 8 milliards d’euros sur dix ans.

François Hollande s’était largement exprimé ce vendredi sur le plan de rénovation thermique, et avait ainsi satisfait de nombreux participants. Jean-Marc Ayrault a donné d’autres gages de sérieux ce samedi, en annonçant le lancement d’une campagne de communication nationale dès octobre et a évoqué la demande faite aux préfets « de réunir sous un mois les acteurs de la rénovation thermique » pour planifier la mise en œuvre locale des mesures. Par ailleurs, 400 guichets d’information seront créés dans tout le pays pour aider les Français à agir et des prêts à taux faible seront accordés aux bailleurs sociaux pour la rénovation du parc social.

Loin derrière les mesures sur la fiscalité et l’énergie, le Premier ministre a annoncé quelques avancées sur la biodiversité, notamment la confirmation de la création de l’Agence de la biodiversité en 2014. Jean-Marc Ayrault a même annoncé vouloir « mettre fin aux algues vertes en Bretagne d’ici dix ans », assurant même qu’« il n’y a pas que sur l’énergie que nous devons nous donner des objectifs ambitieux ». Une déclaration en contradiction avec les récentes mesures facilitant la création d’élevages porcins de moins de 2000 cochons puisque celles-ci n’auront plus besoin d’enquêtes publiques préalables. De quoi affaiblir la lutte contre les nitrates responsables de l’afflux des algues vertes.

Enfin, Jean-Marc Ayrault s’est timidement dit « favorable à ce que la France participe activement aux discussions communautaires pour connaître et encadrer la pêche en eaux profondes », une technique que de nombreux militants et experts souhaitent tout simplement interdire. Pas de quoi donc enchanter les associations environnementales : « Je n’ai pas été surpris, j’aurais aimé l’être mais il y a quelques satisfactions, notamment l’augmentation de la TVA sur les engrais », déclarait Benoît Hartmann, porte-parole de l’association France Nature Environnement, après le discours de Jean-Marc Ayrault.