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Les herbicides poussent-ils à la dépression ?
lundi, 12 août 2013
/ Amélie Mougey
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Les désherbants dépriment. Une étude publiée en juillet révèle qu’une exposition longue durée double le risque de dépression. Et les agriculteurs ne seraient pas les seuls touchés.
Quels effets les pesticides ont-ils sur la santé ? La chape de plomb qui a longtemps pesé sur cette question continue de se fissurer. Après la publication, en juin dernier, d’une synthèse de l’Inserm (Institut national de la santé et de la recherche médicale) confirmant l’implication des pesticides dans le nombre anormalement élevé de leucémies, de cancers de la prostate et de cas de maladies de Parkinson, des craintes émergent aujourd’hui autour d’une autre maladie : la dépression.
Selon une étude menée par une équipe de l’université d’Harvard et publiée dans l’American Journal of Epidemiology, l’exposition aux produits phytosanitaires, et plus particulièrement aux herbicides (les substances qui tuent les mauvaises herbes) multiplie par deux le risque de dépression.
Pis, le problème ne concerne pas que les agriculteurs. Plus de 9 000 tonnes d’herbicides sont en effet déversées chaque année dans les jardins de particuliers et les espaces verts français, soit près d’un tiers de la quantité utilisée par l’agriculture.
« Les gens ont dans l’idée que parce qu’ils tuent des plantes et non des animaux ces produits sont moins dangereux, c’est faux », déplore Marc Weisskopf. Son étude concerne bien les usages professionnels, « mais par précaution je conseillerais à l’ensemble des utilisateurs de limiter leur consommation », poursuit le chercheur. Alexis Elbaz, directeur de recherche à l’Inserm, qui a participé à l’étude, confirme : « Les particuliers sont souvent mal formés aux précautions d’usage, et puis la question se pose aussi pour les personnes habitant à proximité des champs traités. » Ainsi, en France - premier consommateur européen de pesticides - 15% de la population serait exposée.
Le chiffre se situe dans la moyenne française. Mais l’équipe de l’université d’Harvard décide tout de même de creuser. D’abord parce que la comparaison ne vaut pas grand chose : « Il y a trop de différence entre les styles de vie des agriculteurs et des non-agriculteurs et trop de facteurs variés de dépression pour que la comparaison soit pertinente », souligne Marc Weisskopf. Ensuite parce que plusieurs travaux scientifiques ont déjà prouvé qu’il existe une corrélation entre une intoxication aux pesticides (une exposition rapide à une grande quantité de pesticides, lors d’un accident notamment) et l’apparition de dépressions.
Plus précisément, une personne ayant été exposée moins de dix-neuf ans aux herbicides verra la probabilité de connaître une dépression augmenter de 90%. Pour quelqu’un ayant côtoyé ces produits pendant plus de vingt ans, ces risques grimperaient de 150%. En gros, plus la durée et l’intensité de l’exposition sont fortes, plus les cas de dépression sont fréquents. Cette corrélation permet d’établir un lien entre les deux phénomènes. « Plusieurs indices nous montrent que les herbicides sont bien à l’origine de la maladie », souligne Marc Weisskopf. Mais ils pourraient aussi en être la manifestation : « Si un agriculteur a des problèmes de récolte, cela peut être à la foi une cause de dépression et une incitation a utiliser plus de pesticides », reconnaît le chercheur. Mais dans ce cas, la consommation d’insecticides et de fongicides augmenterait elle aussi. Or ce n’est pas le cas. Reste que ces observations n’ont pas valeur de preuve : « Elles démontrent surtout qu’il faut continuer à faire des recherches. »