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OGM : pourquoi l’interdiction ne tient qu’à un fil ?
mardi, 9 juillet 2013
/ Amélie Mougey
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Ce vendredi, un rapporteur du conseil d’Etat a jugé le moratoire sur les OGM trop sévère. A contre-courant de la loi européenne, l’interdiction française est condamnée à être précaire.
La bataille juridique a un petit air de déjà vu. Comme une ritournelle, le gouvernement adopte un arrêté interdisant la culture de maïs OGM, Monsanto et quelques céréaliers contre-attaquent et, quelques mois plus tard, le Conseil d’Etat annule l’interdiction. Alors le gouvernement riposte avec un nouvel arrêté, à son tour contesté par les semenciers. Retour à la case départ. Ce schéma, déjà rodé avec l’annulation en 2011 d’une clause de sauvegarde, est en train de se répéter.
Sauf qu’on est en juillet. La saison est plus propice aux récoltes qu’aux semis. Les opposants aux semences transgéniques peuvent donc souffler. Le gouvernement, rejoint par un ministre de l’Ecologie farouchement anti-OGM, a jusqu’au printemps pour adopter un nouvel arrêté… qui sera probablement attaqué, puis annulé.
De son côté, pour interdire les OGM, le gouvernement français doit également prouver qu’il y a « urgence à agir ». « En gros, à moins que quelqu’un meurt en croquant dans un épis de maïs génétiquement modifié, la France ne peut adopter une interdiction généralisée », soupire Christophe Noisette, rédacteur en chef du site de veille inf’OGM. Dans ce cas pourquoi l’Autriche, soumise à la même directive européenne, y est parvenue ? « En réalité, le pays est hors la loi », précise Corinne Lepage, « mais là-bas, le consensus est tel que personne ne porte l’affaire devant les tribunaux. »
Car les juristes sont unanimes, le nœud du problème est à Bruxelles. Tant que leur dangerosité est controversée, la directive européenne empêche les Etats membres d’interdire purement et simplement la culture des OGM. Corinne Lepage préconise donc de la remplacer pas un texte qui leur permettrait de gagner en souveraineté. Dans un rapport présenté en 2011 l’ancienne ministre de l’Environnement conditionne l’interdiction des OGM à la seule absence de connaissances suffisantes et au simple choix par un Etat de l’agriculture qui lui convient. Le texte a été adopté au Parlement européen à une large majorité. Depuis, il croupit sur le bureau du Conseil des ministres de l’environnement qui semblent peu pressés d’y mettre le nez.
Fruit de cette inertie, la demande de renouvellement de l’autorisation du MON 810, déposée par Monsanto en 2008, n’a toujours pas été étudiée. En l’absence de décision, la première autorisation délivrée en 1998 s’applique toujours. « Et cela peut encore durer vingt ans », soupire Christophe Noisette d’Inf’OGM. Pour lui, si le statu quo européen se poursuit, les Etats hostiles aux semences transgéniques vont devoir ruser. Actuellement, leur seul pouvoir consiste à définir les conditions de cohabitations entre les cultures OGM, les parcelles bios et les apiculteurs, qui n’auraient plus le droit de vendre leur miel si les abeilles allaient butiner dans les cultures OGM. « L’idée, ce serait de mettre en place des critères de cohabitation tellement stricts qu’ils rendraient toute culture OGM impossible » Reste que ces barrières ne peuvent être mises en place qu’une fois la culture autorisée. Pas sûr que les apiculteurs de l’Unaf (Union nationale de l’apiculture française) (Union nationale des apiculteurs français) qui réclament « une nouvelle interdiction reposant sur des bases juridiques solides », soient satisfaits.