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OGM, bio, gaz de schiste : que nous réserve Philippe Martin ?
jeudi, 4 juillet 2013 / Amélie Mougey

Anti-OGM, gaz de schiste et élevage industriel mais pro-corrida et chasse. Qui est le nouveau ministre de l’Ecologie ? Réponses avec un tour d’horizon de ses prises de position passées.

En juin 2012, c’était presque par hasard, sans trop y toucher, que Delphine Batho prenait la tête du ministère de l’Ecologie. Devant l’arrivée de cette néophyte, Philippe Martin devait trépigner en coulisses. Car à l’époque déjà, le député socialiste du Gers n’aurait « pas été perçu comme illégitime à ce poste ». Lors de ses interventions à l’Assemblée, il est souvent question de « circuit court », d’ « énergies renouvelables » et de « gaz de schiste ». Au fil de ses trois mandats de député, ces sujets reviennent de plus en plus souvent. Si bien qu’en 2010, Philippe Martin n’hésite pas à égratigner Jean-Louis Borloo (alors ministre de l’Ecologie), qualifiant la seconde phase du Grenelle de l’environnement de « Grenelle du renoncement ». Mais celui qui est aujourd’hui présenté comme « le socialiste le plus vert » mérite-t-il sa réputation ? Pour en avoir le cœur net, Terra eco a épluché ses prises de position passées.

OGM, opposant infaillible et défenseur des faucheurs

Le nouveau ministre doit ses premiers engagements écolos aux semenciers. Selon lui, ces industriels introduisaient des OGM en catimini dans son département, le Gers. En 2005, pour les en empêcher, celui qui était alors conseiller général entend organiser un référendum « sur la présence d’expérimentation OGM en plein champ ». Le tribunal administratif de Pau (Pyrénées-Atlantiques) le coupe dans son élan.

Lorsque des heurts éclatent entre opposants aux OGM et forces de l’ordre, le député prend la défense des militants. Devant l’Assemblée nationale, il évoque « un usage disproportionné de la force » et questionne le gouvernement sur le coût du maintien des forces de l’ordre dans la région. Lors du procès en appel de faucheurs volontaires au tribunal d’Orléans (Loiret), il est cité comme témoin de la défense. Sept ans plus tard, ses positions n’ont pas changé : « Le mot de violence a été employé à propos des arrachages, (...) la culture d’OGM, entreprise sans en informer les agriculteurs voisins, notamment bios, constitue une autre forme de violence » , déclarait-il en janvier dernier dans l’hémicycle. Philippe Martin dénonce aussi « l’opacité qui entoure la localisation des parcelles OGM » et veut rendre l’étiquetage obligatoire. Car l’homme est convaincu de leur dangerosité. En octobre, balayant les controverses, il remercie le professeur Séralini d’avoir soulevé « une chape de plomb » en publiant une étude, par la suite très controversée. Qu’importe les attaques de l’Autorité européenne de sécurité des aliments (Efsa), le plus anti-OGM des socialistes juge la crédibilité de l’institution entachée par des conflits d’intérêts.

Un défenseur des abeilles et des apiculteurs

Si Philippe Martin s’oppose aux OGM, c’est aussi pour protéger les apiculteurs. Il rappelle que, sauf autorisation particulière, un miel contenant des traces de pollen OGM est invendable. Pour préserver les butineuses, le député a également demandé, en 2011, le retrait du marché du pesticide Cruiser OSR du Suisse Syngenta soupçonné d’accroître leur mortalité.

Pro-gavage, pro-chasse et pro-corrida

Les oies et les taureaux ne sont pas aussi chouchoutés que les abeilles. La Ligue française des droits de l’animal rappelle que le nouveau ministre fait partie des 55 députés soutenant activement la corrida. Elu du premier département producteur de foie gras, Philippe Martin est également inscrit sur la liste des députés qui déclarent le gavage « patrimoine culturel ». Alors, quand la Californie interdit la vente et la production de ce qu’elle considère comme le fruit d’une torture, Philippe Martin appelle au boycott des vins californiens. Enfin, n’en déplaise à la fondation Brigitte Bardot, le nouveau ministre aime la chasse. Suffisamment en tout cas pour, en 2009, demander la prolongation de la saison.

Plus d’agriculture biologique, moins d’élevages industriels

Mais dans l’assiette de Philippe Martin, le gibier côtoie sans doute les produits bios. En janvier 2011, le député s’emporte contre la réduction de moitié du crédit d’impôt accordé aux exploitations en conversion bio. Il fustige alors une « décision inique » qui « risque d’hypothéquer les engagements du Grenelle de l’environnement, et fragiliser le mouvement de conversion en agriculture biologique ». Dans la même veine, le désormais ministre entend « empêcher une multiplication des élevages industriels ». Dans ses habits de conseiller général, il se prend le bec avec le préfet du Gers au sujet de l’installation d’un élevage industriel de poulets.

Préserver l’indépendance des agriculteurs grâce aux semences de ferme

Réélu dès le premier tour en 2012 dans un département très rural, Philippe Martin a su conquérir les agriculteurs. En novembre 2011, il s’oppose à la loi relative aux certificats d’obtention végétale (COV) qui lient les acheteurs de graines à leurs fournisseurs. Selon lui, cette loi « protège clairement les intérêts des semenciers et porte atteinte au droit des paysans à maîtriser leurs productions ». A l’inverse, le député prône la préservation des semences de ferme, échangeables entre agriculteurs et moins gourmandes en produits phytosanitaires.

Sur les gaz de schiste, encore plus hostile que Delphine Batho

En congédiant Delphine Batho, le gouvernement a remplacé une opposante à la fracturation hydraulique par un ardent opposant à l’exploitation pure et simple du gaz de schiste. Philippe Martin connaît le dossier. Juste avant la loi interdisant la technique d’extraction, il est co-rapporteur d’une mission d’information sur le sujet. Ses conclusions sont tranchées. Sur son blog, il énumère les raisons pour lesquelles la France doit rejeter l’exploitation. Outre « les risques sur la nappe phréatique liés à la fracturation », le député du Gers cite pêle-mêle : « les conflits d’usage de l’eau, la modification des paysages, l’altération des écosystèmes, la dégradation de la biodiversité ou le devenir des dizaines de tonnes d’additifs chimiques ». Le rapporteur ajoute que « leur exploitation rendra inatteignable l’objectif de diviser par quatre les émissions de gaz à effet de serre à l’horizon de 2050 ».

En juillet 2011, Philippe Martin fustige la loi Jacob : « nous allons légiférer avant même d’expertiser. Nous sommes dans l’émotionnel pur », s’emporte-t-il. Mais dès son adoption, il se pose pourtant en vigie et réclame des comptes sur son application. Un mois plus tard, il s’emporte contre Nathalie Kosciusko-Morizet, alors ministre de l’Ecologie, en lui reprochant de ne pas abroger tous les permis accordés aux pétroliers. Ministre à son tour, Philippe Martin maintiendra-t-il cette ligne dure ? Dans le cas d’un rejet de la loi Jacob par le Conseil constitutionnel, l’absence de consensus au sein du gouvernement pourrait mettre à mal sa détermination.

Nucléaire, volontaire mais pas trop

Sur la question du nucléaire, le nouveau ministre est moins véhément. « La réduction de la part du nucléaire à 50% en 2025 est une proposition à la fois sérieuse et assumée », affirme-t-il sobrement sur son blog quelques mois avant l’élection de François Hollande. Sa plus forte prise de position sur le sujet date sans doute de 2011 lorsque, secrétaire national adjoint à l’environnement au PS, il raille Nicolas Sarkozy, « dernier nucléariste au monde pour qui il n’y a pas d’après Fukushima ».

Gestion de l’eau : quand le ministre perd les écologistes

Plutôt bon élève jusque-là, Philippe Martin a rendu au mois de juin une copie décevante sur la gestion quantitative de l’eau en agriculture. C’est en tout cas l’avis des associations spécialisées. Celui qui se présentait comme « la voix des territoires ruraux » lorsqu’il briguait la présidence du groupe PS à l’Assemblée n’a sans doute pas déçu les agriculteurs irrigants. Les conclusions de cette nouvelle mission parlementaire font la part belle à la construction de nouvelles retenues. Le rapport préconise aussi le financement public de systèmes d’irrigations. France Nature Environnement voit dans ces orientations « un affaiblissement des règles sur la gestion de l’eau ».

Pour le maintien d’une police de l’environnement

Si l’on en croit son soutien aux garde-natures, le nouveau ministre ne badinera pas avec les atteintes à l’environnement. Lorsqu’il est question de diminuer leur pouvoir de police, le député du Gers demande à Delphine Batho des modifications.

Un ministre qui a fait ses preuves à la cantine

Des repas équilibrés et des produits locaux dans les cantines scolaires : dans sa circonscription, Philippe Martin en a fait une priorité et un motif de fierté. « Dans une région d’élevage où évoluent quelques fleurons de notre agriculture comme la Blonde d’Aquitaine ou la Charolaise, (…) il était choquant de voir une viande abattue aux Pays-Bas, transformée en Angleterre, finir dans les assiettes des collégiens » souligne Philippe Martin lors d’une session parlementaire. L’occasion pour le député de mettre en avant son glorieux bilan : dans les assiettes des jeunes Gersois, au moins 75% de légumes sont frais, 58% de bœufs produits dans la région et, depuis 2009, des menus bios sont proposés. Dans l’espoir de voir la dynamique se généraliser, le député a réclamé un changement des codes des marchés publics afin que les agriculteurs des environs soient systématiquement favorisés.

Restauration : « Redonnons aux chefs leur vrai métier ! »

Philippe Martin aurait-il un faible pour les bonnes tables ? Pour lui, un restaurateur est quelqu’un qui cuisine, pas qui réchauffe des surgelés. En tant que député, il s’est dit favorable à l’instauration de taux de TVA distinct dans la restauration selon si le repas est cuisiné sur place à base de produits frais et made in France ou s’il ne s’agit que de plats préparés.

Fervent défenseur du scooter

Pour décongestionner les centres-villes, le covoiturage c’est bien, le scooter c’est mieux. Pour lutter contre la pollution de l’air, Philippe Martin en fait l’apologie. Lors de l’élaboration des plans de protection de l’atmosphère (PPA), il invite la ministre à ne pas oublier les deux-roues.